Source : L'ardennais - 28 février 2010
Nous sommes le 10 avril 1958 à l'aéroport d'Orly. À l'époque, on peut encore accueillir les passagers au pied de la passerelle. Les quatre hélices tournent encore quand quatre hommes se précipitent vers l'appareil qui vient de se poser. Il s'agit du producteur Michel Safran, du réalisateur Pierre Gaspard-Huit, d'un jeune premier dont on commence à parler - Alain Delon- , et de son inséparable copain, Jean-Claude Brialy. Tous quatre viennent saluer l'une des stars les plus en vue du cinéma européen, Romy Schneider. Alain Delon lui remet alors un bouquet de roses rouges devant des dizaines de journalistes et photographes. On ne le sait pas encore, mais on assiste alors au début de la romance d'un des couples mythiques du cinéma.
C'est par cette rencontre que commence l'ouvrage de Bertrand Tessier "Delon & Romy, un amour impossible". L'auteur connaît bien l'actrice pour avoir réalisé pour la télévision «Les Derniers jours de Romy Schneider», un documentaire diffusé dans le monde entier. Il est également spécialiste des biographies de célébrités comme celles qu'il a réalisées sur Claude François, Julien Clerc, Patrick Dewaere, Bertrand Blier ou encore Belmondo.
Dans son dernier livre, Bertrand Tessier reconstitue de façon minutieuse l'histoire d'amour qui a réuni deux monstres sacrés du cinéma : de leur rencontre en 1958 pour leur premier film en commun, Christine, jusqu'à la mort de Romy Schneider le 29 mai 1982 en passant par leurs fiançailles en mars 1959, leur séparation en 1963, leurs films en commun ou encore le culte funèbre que voue aujourd'hui Alain Delon à son ancienne fiancée.
L'ouvrage fourmille de détails, d'anecdotes sur l'un et l'autre, sur leur ascension avec d'un côté un Alain Delon mi-ange mi démon et une Romy Schneider fille de bonne famille. L'attirance de cette dernière pour Alain Delon va d'ailleurs être une façon d'échapper à une mère possessive et un beau-père intéressé et aux attitudes équivoques. Visconti comme pygmalion
Bertrand Tessier raconte la vie de ces deux jeunes stars de l'époque, leur rencontre avec Luchino Visconti, le cinéaste italien le plus charismatique de sa génération qui sera en quelque sorte leur pygmalion. Il y a aussi ces trois films en commun, "Christine", en 1958, "La piscine" en 1969 et "L'assassinat de Trostsky" en 1971. Si le premier marquait leur rencontre et le début de leur idylle, les deux derniers ont été tournés alors qu'ils étaient séparés. Pour beaucoup d'observateur d'ailleurs, La piscine était une façon pour Alain Delon, alors au sommet de sa gloire, de se «rattraper» d'avoir abandonné six ans plus tôt Romy Schneider pour une autre femme. Une façon d'expier sa culpabilité. On ne saura jamais si c'était le cas mais une chose est certaine, ce film relance alors Romy Schneider dont la carrière marquait une pause. Mais l'actrice est vite rattrapée par ses démons et par la tragédie : le 15 avril 1979, Harru Meyen, son ancien mari se suicide. Le 5 juillet 1981, le fils qu'elle a eu avec Harry se tue en s'empalant sur les pics en fer forgé du portail de la maison des grands-parents de Daniel Basini (le mari de Romy), en région parisienne. «Le jour où David est parti, Romy est cliniquement morte», analysera Delon. Le 8 septembre 1981, elle assistera à la première de Pour la peau d'un flic. «A ce moment-là, elle est déjà partie. On le voit dans ses yeux, se souviendra Delon. Elle n'est plus là. Elle est dans un autre monde.» L'acteur tente bien de la maintenir dans le monde réel en lui proposant de tourner un film ensemble L'un contre l'autre. Celui-ci ne verra jamais le jour. Le 29 mai 1982,Romy Schneider meurt. Une mort naturelle et non un suicide comme on l'a souvent indiqué.
C'est toute cette histoire, celle de la vie commune de deux acteurs hors norme que raconte avec beaucoup de brio l'ouvrage de Bertrand Tessier.
Grégoire Amir-Tahmasseb
Delon & Romy, un amour impossible, de Bertrand Tessier, éditions du Rocher, 18 euros.