Source : L'oeil d'Olivier - 14 octobre 2024
Portée par l’actrice sarde Caterina Murino, la comédie vénitienne met les domestiques à l’honneur et donne aux femmes le beau rôle sans pour autant faire mouche.
Décidément, Goldoni est à l’honneur en ce début de saison. Du Théâtre de la Porte Saint-Martin à celui des Bouffes Parisiens, la plume acérée et piquante du Molière italien esquisse de beaux portraits de femmes. Morale irréprochable tout en rêvant d’amour, elles mènent leur barque avec philosophie et intelligence dans un monde très masculin. Ne s’en laissant pas compter, mais s’adaptant parfaitement aux mœurs de leur temps, elles n’ont d’autre solution que le mariage pour s’épanouir et garder ce qu’elles peuvent de liberté.
Une femme, quatre amants
Si La Serva Amorosa se place plutôt du côté des domestiques, "La veuve rusée" met en scène Rosaura, une jeune vénitienne désireuse de se remarier après la mort prématurée de son vieil époux. Lors d’un bal, elle fait la rencontre de quatre prétendants : un Italien jaloux, un Espagnol imbu de sa lignée, un Anglais volage et un Français coquet. Comment choisir ?
Pressée par le temps, car plane sur sa charmante tête, une possible union avec son oncle certes richissime mais clairement cacochyme, elle s’adjoint l’aide précieuse de la délurée Marionnette, sa fidèle suivante, et d’Arlequin, un personnage tout droit sorti de de la pure Commedia dell'Arte. Usant de travestissements et de faux semblants, elle va dénouer les fils de Cupidon afin de convoler en justes et honnêtes noces.
Un duo de serviteurs épatants
Comédie légère ou comédie de mœurs, "La veuve rusée", écrite en 1748, joue sur tous les tableaux. Elle ne manque ni de piquant, ni de burlesque. Pourtant, sur la scène des Bouffes parisiens, la sauce peine à prendre. Les beaux costumes de l’atelier vénitien de Stafano Nicolao et la scénographie ingénieuse de Fabiana Di Marco ne suffisent pas à insuffler malice et espièglerie à ce jeu de dupes. Trop classique dans la forme et dans sa vision de l’histoire, la mise en scène de Giancarlo Marinello retombe vite comme un soufflé.
Si dans l’ensemble, les comédiens ne déméritent pas, avec en tête Caterina Murino, joliment enjôleuse, c’est bien le duo de serviteurs qui fait des étincelles et donne à l’œuvre toute sa dimension comique et baroque. Sarah Biasini est impayable en soubrette française, n’ayant pas froid aux yeux. Tom Leeb est fougueusement étincelant en messager de l’amour quelque peu maladroit. C’est déjà ça, mais faute d’audace, cette friandise, pièce mineure de Goldoni, s’oublie vite !
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore
Théâtre des Bouffes Parisiens : 4 rue Monsigny - 75002 Paris
Jusqu’au 24 novembre 2024 durée 1h45 environ
Adaptation et mise en scène de : Giancarlo Marinelli
Avec : Caterina Murino, Sarah Biasini, Vincent Deniard, Vincent Desagnat, Thierry Harcourt, Tom Leeb, Pierre Rochefort, et l’amicale participation vocale de Jean Reno
Son et projections-vidéo de : Francesco Lopergolo
Scénographie de : Fabiana Di Marco
Costumes – Atelier vénitien de : Stefano Nicolao
Lumières de : Didier Brun
Traduction de : Valerio Zaina
Assistante mise en scène : Aline Gaillot