Source : Au balcon - 25 janvier 2022
Photos : Marion Duhamel
«Un visiteur inattendu» d’Agatha Christie dans une version française de Sylvie Perez & Gérald Sibleyras et dans une mise en scène de Frédérique Lazarini à l’Artistic Théâtre est un imbroglio psychologique au suspens prenant.
La reine du crime, à la vie mystérieuse, après avoir triomphé à La Pépinière avec « La souricière » adaptée de sa nouvelle « Trois souris » dans une mise en scène de Ladislas Chollat revient hanter nos esprits, faire travailler nos méninges avec ce visiteur inattendu qui va nous donner du fil à retordre.
Parmi les 18 pièces qu’elle a écrites dans sa prolifique carrière, ce soir Frédérique Lazarini nous propose une pièce dont l’action débute d’une façon inhabituelle puisque dès le départ nous sommes en présence d’un mort et de sa meurtrière.
Un jour du mois de novembre, un brouillard épais contraint un inconnu, dont la voiture est tombée sur le bas-côté de la route, à demander du secours. Après avoir frappé au carreau d’une porte-fenêtre d’une belle demeure, il entre et tombe sur un cadavre. Affolé par une telle découverte, il aperçoit une femme dans une belle robe de cocktail un révolver à la main, s’accusant du meurtre de son mari. Un personnage dont la disparition tragique ne manquera à personne.
L’affaire est bouclée : nous avons un cadavre et le coupable : emballé c’est pesé, bonsoir messieurs dames et à la prochaine !
Vous vous en doutez, cela serait beaucoup trop facile. La reine du crime nous a concocté un jeu de pistes qui évolue dans un labyrinthe dont nous ne trouvons pas la sortie.
A chaque fois que nous pensons avoir enfin le coupable, aidés en cela par l’inspecteur qui nous prend régulièrement à témoins, nous replongeons dans les mystères de la pelote de laine…et compte tenu du nombre d’intervenants dans la résolution de cette enquête, nous ne sommes pas près de trouver la solution finale.
D’ailleurs y a-t-il une solution ? Y a-t-il un coupable ? C’est toute l’originalité de cette pièce. On nous propose à la fin, comme de bien entendu, l’identité du meurtrier, mais est-ce vraiment lui…ou elle ? Chacun pourra certainement prétendre détenir le meilleur dénouement de cette énigme, mais c’est un mystère que la machiavélique reine du crime a habilement entretenu jusqu’au point final de son histoire.
A vous de vous faire votre opinion et de partager avec votre entourage vos différents points de vue.
Et ce n’est pas la mise en scène de Frédérique Lazarini, assistée de Lydia Nicaud, dont les touches d’humour à la subtilité désarmante nous reposent l’esprit, qui va nous aider. Elle prend du plaisir à nous embrouiller l’esprit avec ses vidéos projetées, de Hugo Givort & Vardden, sur les murs blancs, glaçant à souhait l’atmosphère pesante qui règne dans cette demeure aux secrets bien gardés, sonorisée par Henri Coueignoux. Des vidéos qui nous donnent des indices mais allez savoir s’ils ne sont pas là pour détourner notre attention.
Dans un style glamour superficiel et à la fois terrifiant, les comédiens évoluent dans cette mare à l’eau trouble, en essayant tant bien que mal de rejoindre la rive, dans une scénographie de François Cabanant et habillés par Dominique Bourde.
Une troupe de comédiens chevronnés se délectent à maintenir le suspens dans un imbroglio permanent pour nous mener par le bout du nez vers la solution de l’énigme qui les arrange. Chacun en quelque sorte attire la lumière sur son personnage avec plus ou moins de ruse.
Sarah Biasini l’image glaçante de la star hollywoodienne, Pablo Cherrey-Iturralde le trublion de l’énigme, Cédric Colas le visiteur par qui tout se déclenche, Antoine Courtray la touche d’humour de l’enquête, Stéphane Fiévet l’inspecteur bulldozer, Emmanuelle Galabru l’énigmatique infirmière, Robert Plagnol le joli cœur à l’âme généreuse et Françoise Pavy la mère protégeant ses petits, vont nous faire vivre cette enquête dont la reine du crime a subtilement brouillé les pistes pour nous tourmenter.
Une soirée passionnante où chacun y trouvera son compte dans la recherche de la vérité.