Source : RegArts - 26 janvier 2022
On sait peu qu’Agatha Christie, à côté de la floppée de romans qu’elle a écrits, a aussi donné tout au long de sa vie, dans le théâtre. En témoigne cette pièce, bien adaptée par Gérard Sibleyras et Sylvie Pérez.
Bien sûr, il y aura un meurtre. Bien sûr, il y aura un inspecteur, des interrogatoires. Mais l’originalité vient de ce que, dès le début, on connaît le coupable. Enfin, la coupable : on croit la connaître, puisqu’un soir dans ce manoir environné de brume, un visiteur surprend Mrs Warwick un revolver à la main face au corps de son mari. Curieux, ce visiteur : il prend aussitôt les choses en main et décide de "sauver la mise" à cette pauvre femme. Il lui assure un alibi, fait disparaître des indices et réapparaît ensuite, non pour se mêler à l’enquête mais pour voir si tout marche bien selon ses plans. Mrs Warwick n’est pas seule : il y a aussi sa belle-mère, son beau-frère un peu simplet, une gouvernante (sans lequel l’Angleterre ne serait pas ce qu’elle est), un infirmier machiavélique et enfin un ami de feu Mr Warwick.
L’inspecteur Thomas est vraiment unique : il semble tout droit sorti du film "Drôle de drame". Stéphane Fiévet lui prête sa faconde. Interrogeant, fouinant, il s’adresse même au public pour le prendre à témoin. Sarah Biasini est une Mrs Warwick en demi-teintes : accablée parfois, retrouvant espoir, et finissant, de façon surprenante, par re-tomber amoureuse. Cédric Colas en maître du jeu, brille par sa bonhomie inquiétante. Une mention spéciale à Pablo Cherrey-Iturralde dans un rôle qui aurait pu facilement tomber dans la caricature.
Dire que la mise en scène est novatrice serait exagéré, mais Frédérique Lazarini connaît son affaire. Les coups de théâtre sont bien amenés, il y a des effets de lumière intéressants et le tout fonctionne, autour de l’inévitable canapé.
Ce qui est prenant, dans cette pièce, c’est bien sûr, le double jeu.
Comme dans ses romans, l’auteur brouille les pistes : à la fin, elle fait surgir un coupable possible, puis un autre... bref, tout le monde ou presque serait susceptible d’avoir assassiné Mr Warwick. Et puis elle nous sort de sa manche un coupable, non pas idéal, mais aussi inattendu que le visiteur du titre. On voit alors le mécanisme entier et on se dit : Bravo. Oui, bravo, Mrs Christie.
Même si votre prose n’a rien de spécifiquement théâtrale, même si vos personnages sont un tantinet stéréotypés, il y a de la passion, des revirements, et ce cluedo familier retient l’attention.
On y passe, au final, une bonne soirée.
Gérard Noël
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