Romy Schneider et Michel Piccoli irradient ce drame d’un accident de la route, premier grand succès de Claude Sautet. Prix Louis Delluc 1970.
L’argument : Au volant de sa voiture, Pierre, architecte d’une quarantaine d’années, est victime d’un accident. Éjecté du véhicule, il gît inconscient sur l’herbe au bord de la route. Il se remémore son passé, sa vie avec Hélène, une jeune femme qu’il voulait quitter, sa femme Catherine et son fils...
Notre avis : Après deux films policiers dont l’un, Classe tous risques, à contre-courant de la Nouvelle Vague, est un modèle du genre, Claude Sautet étonna avec Les choses de la vie. On peut considérer cette adaptation d’un roman de Paul Guimard, écrite en collaboration avec Jean-Loup Dabadie, comme le premier véritable jalon de son œuvre d’auteur. On a longtemps dit que Sautet était un cinéaste sociologue de la France des années 70, avec ses notables installés, ses familles nouvellement recomposées et, ajoutons-le, sa tabagie permanente (détail qui tue en revoyant le film !).
C’est un peu réducteur mais il y a une part de vérité. Sautet devient dès ce film le peintre de la moyenne bourgeoisie de son époque. Pierre est le prototype du cadre supérieur coulant une existence professionnelle sereine, en cette fin des Trente Glorieuses. Son intégrité d’architecte face à des promoteurs véreux mais aussi sa relative insouciance, un projet important ne devant pas empiéter sur ses vacances d’été, donnent des pistes quant à sa personnalité publique et au contexte de ce début des années 70. On est dans l’optimisme de l’ère pompidolienne, bien avant le chômage et la précarité évoqués en filigrane dans ses films des années Giscard (Une histoire simple) ou Mitterrand (Quelques jours avec moi). Cette sérénité est somme toute relative, la vie privée de Pierre étant révélatrice de la fragilité croissante des liens conjugaux et familiaux. Les relations avec son père (Henri Nassiet) semblent aussi faussement faciles qu’avec son fils (Gérard Lartigau). Écartelé entre son épouse (Léa Massari, très classe) et sa maîtresse, il ne semble trouver des instants de quiétude qu’à travers l’amitié (Jean Bouise) ou d’anciennes relations d’enfance (Gabrielle Doulcet).
Le petit monde de Claude Sautet, c’est celui des groupes, des communautés, assemblés dans des cafés où l’on règle ses comptes affectifs, ou des repas de famille ou entre amis, réels, ou en trompe-l’œil. : ainsi, un plan fixe montre Pierre et Hélène entrer dans une soirée dont les convives se situent hors-champ, le spectateur étant cloué sur le palier dès la fermeture de la porte ; de même, le repas de mariage fantasmé par Pierre lors de son hospitalisation nous permet-il de voir réunis des individus ayant côtoyé sa vie ces derniers jours avant le drame. On y trouve même le couple pris en stop (Dominique Zardi et Betty Beckers), auquel il s’est identifié, ainsi que l’infirmier (Jacques Richard) qui lui a tendu le masque à oxygène. C’est que la mélancolie et la mort hantent ce film où l’humour et les agréments sont absents, cette noirceur étant d’autant plus manifeste que le récit est celui d’un homme qui se souvient des jalons de son existence au moment de son accident de la route... C’est d’ailleurs à cet égard que le montage des Choses de la vie est fabuleux, le crash de Pierre donnant lieu à une série de flash back judicieusement agencés, avec pour leitmotiv le véhicule conduit par un malheureux bétailleur (Bobby Lapointe). Grand film romanesque porté par la sublime partition de Philippe Sarde, Les choses de la vie obtint le Prix Louis Delluc, connut un grand succès public et marqua un tournant dans la carrière de ses deux interprètes à qui Sautet fera de nouveau appel. Michel Piccoli, sobre et puissant, devint, avec Montand, l’acteur vedette le plus important de la période. Après La piscine, Romy Schneider, superbement belle et émouvante, s’inscrivait définitivement dans le paysage du cinéma français dont elle sera la star jusqu’à sa mort.