Le combat dans l’île (portrait d’un tueur fasciste…)
De tous les jeunes réalisateurs en activité, Alain Cavalier est le seul qui, pour son premier film de long-métrage, ose empoigner un sujet d’actualité. Et ce n’et pas un mince travail que de brosser le portrait d’un jeune fasciste qui s’engage dans le terrorisme par désoeuvrement mais ne se contente pas de tuer le temps. Il manie le bazooka, puis le revolver. Le jeune homme sentimental du début devient rapidement une jolie crapule.
Le héros, si j’ose dire, est le fils d’un gros patron qui embête son père par ses idées «sociales». Marié à une jeune et riche étrangère, il s’ennuie en compagnie de sa femme, plus évoluée que lui et s’en va le dimanche s’entraîner au milieu d’un groupe d’activistes dont les buts sont de viriliser l’Occident et de débarrasser le monde du communisme. Un beau jour, il est chargé d’une mission de «confiance» : descendre au bazooka un député de gauche. Mais l’attentat était «bidon». Le chef du commando voulais seulement « mouiller » le jeune homme pour faire pression sur son père.
Recherchés par la police, le peuso-assassin et sa femme vont se réfugier à la campagne chez un ami d’enfance, imprimeur de métier et syndicaliste militant. C’est là qu’il apprend, par la radio, que son chef l’a berné. Il jure de se venger et, laissant là son épouse, part courir le monde à la recherche du traître.
L’imprimeur et la jeune femme vont donc se connaître, puis s’apprécier, enfin s’aimer. Quand l’autre reviendra, ayant accompli en Argentine sa… mission, il provoquera son ex-ami dans un duel singulier que l’autre refusera, non par lâcheté, mais par principe. Et pourtant le duel aura lieu.
Certes, le récit n’est pas sans invraisemblance, ni hiatus et il est trop souvent conduit avec une presque touchante maladresse. Mais sous les conseils de son «superviseur» qualifié, Louis Malle, Cavalier traite son sujet avec un incontestable goût du beau, du travail bien fait et de l’image soignée. Qualité des décors naturels (le moulin d’Andé, déjà utilisé par Truffaut dans «Jules et Jim», les bords de Seine, la douce campagne, la lumière du soir ou le brouillard de l’aube), qualité aussi des interprètes, Romy Schneider, meilleure qu’elle ne le fut jamais, Jean-Louis Trintignant et Henri Serre, tout cela forme un ensemble esthétiquement honorable. Mais ce qu’il faut apprécier c’est le souci constant de ne pas détacher le drame imaginaire d’une actualité brûlante. C’est là que réside le plus grand mérite d’Alain Cavalier ; dans ces petites touches de vie habilement placées qui, d’une part nous expliquent le comportement du principal personnage (fasciste, il est naturellement raciste et consciemment odieux), et d’autre part nous introduisent dans le monde des assassins (leurs liaisons avec l’Internationale nazie, leurs méthodes, leurs mœurs). Enfin, la présence sur l’écran d’une manifestation antifasciste et de militants ouvriers sont des éléments à ne pas négliger. Il est significatif, par exemple, qu’au moment où le député visé par le bazooka veut lancer un appel sur les ondes d’Europe numéro 1, on lui coupe sèchement la parole.
On me dira que tout ça, ne va pas très loin, que l’OAS est traitée comme une organisation de boy-scouts excités et non comme une puissance politique dangereuse, qu’il y a ça et là des naïvetés désarmantes.
Mais au moment où le cinéma se réfugie de plus en plus dans l’art gratuit ou la métaphore imprécise, leu seul fait d’oser dire certaines choses doit être largement encouragé. Nous avons besoin d’un cinéma engagé à la place de nos guimauves métaphysiques et de nos jeux d’esprits brillants, mais vides
Samuel Lachize