Un "Boccace 70" décevant ouvre le quinzième Festival de Cannes
Cannes, 8 mai - C'est sous un ciel d'azur et dans un tourbillon de rumeurs contradictoires que s'est déroulée la première journée de ce quinzième Festival de Cannes.
Les rumeurs contradictoires concernaient le film italien "Boccace 70" choisi pour être présenté hors ompétition au cours du gala d'ouverture. Ce film comprenait à l'origine quatre sketches réalisés par quatre "Grands" du cinéma italien : Federico Fellini, Luchino visconti, Vittorio de Sica et Mario Monicelli.
Or, dès hier matin nous apprenions que l'un des quatre sketches, celui de Monicelli, serait supprimé à la représentation. nous apprenions également de source officieuse, que Moniceli protestait énergiquement contre cette suppression. A 4 heures, heure prévue pour la première séance, les journalistes se trouvaient réunis dans la salle du Palais quand, après une longue attente, on vintnous annoncer que pour des "raisons techniques", la projection était retardée d'une heure. Le bruit courut aussitôt que Monicelli avait eu gain de cause, et que nous allions voir les quatre sketches. Il n'en fut rien et l'on en resta aux trois épisodes sélectionnés. Mais à la fin de la séance, le prote-parole officiel du Festival monta sur la scène pour déclarer que la projection à laquelle nous venions d'assister n'avait été qu'une "projection partielle".
C'est donc un "Boccace 70" réduit d'un quart qui a ouvert le Festival. Faut-il regretter cette amputation ? N'yant pas vu le sketch éliminé, je ne me permettrai pas de répondre à la question, mais étantdonné la lassitude qui s'est manifestée dans l'assistance au terme des rois premiers épisodes, on comprend que les responsables, producteurs et organisateurs aient cru bon de procéder à cette coupure draconnienne.
Le reproche capital que l'on peu adresser à ce "Boccace 70" est en effet sa longueur démesurée. Démesurée et inutile. Chacune des trois histoires contées aurait pu l'être en moitié moins de temps. Cette économie aurait sans doute valu au film une vivacit et une légèreté qui lui font cruellement défaut. Si nous sommes déçus (une déception qui frise par moment la consternation) c'est dans une large mesure parce que au lieu de rechercher la concision, au lieu de jouer de l'ellipse, au lieu d'adapter leur talent au style de la nouvelle cinématographique, les trois réalisateurs se sont confortablement "installés" dans leur sujet, on pris leur aise, ont adopté pour ces brèves anecdoctes, un "tempo" qui reste celui d'un grand film.
Le premier sketch est celui de Fellini [...].
Nous ne quittons pas la "dolce vita" avec la seconde histoire mise en scène par Luchino Visconti et qui nous montre comment la jolie femme d'un jeune comte italien, compromis dans une affaire de "call girls", trouve le moyen de se venger en appliquant à son mari le tarif des demoiselles en question lors de l'accomplissement du devoir conjugal. Anecdocte égrillarde qui demandait à être traitée en finesse, mais que Visconti alourdit par une série de scènes superflues et bavardes. malgré le faffinement des décors et un savant strip-tease de la jolie Romy Schneider, nous ne résistons pas à l'ennui.
Dans le troisième sketch [...].
***
"Boccace 70" a été "poliment" accueilli par l'élégante assistance du gala d'ouverture mais sans plus. Personnellement, je regrette d'avoir dû me montrer si réticent à l'égard d'un film placé sous le patronage d'un écrivain qui aimait le bonheur et détestait l'hypocrisie. Il suffit, en effet, de feuilleter le programme des jours qui viennent pour constater que nous aurons rarement l'occasion de rire au cours de ce quinzième Festival. Drames et tragédies vont être, une fois encore, à l'honneur. Une petite cure de gaieté constituait un heureux prélude avant ce plongeon dans les ténèbres. La cure malheureusement n'a pas tenu ses promesses.
Jean de BARONCELLI