Source : Le quotidien du cinéma - 27 mars 2022
Dans "Max et les ferrailleurs", nous découvrons Max. Il est issu d’une riche famille de vignerons du Mâconnais, et dégagé des soucis matériels, Max est un solitaire qui se consacre entièrement à son obsession : l’arrestation des malfaiteurs. Ancien juge d’instruction, il a démissionné par dépit de devoir relâcher un coupable faute de preuve. Il est maintenant inspecteur de police et il voit de nouveau une bande de braqueurs de banques lui échapper.
Ce nouvel échec est encore présent dans son esprit lorsqu’il rencontre Abel, un ancien camarade de régiment. Abel est devenu "ferrailleur". En effet, il pille les chantiers de construction avec une bande de petits truands des environs de Nanterre. Max a l’idée de les inciter à commettre un gros coup afin de réaliser un flagrant délit indiscutable.
Il n’est qu’un cinéaste, Claude Sautet, pour peindre ce personnage qu’est Max. Un fonctionnaire de police, psychorigide, froid, solitaire que la mort attend avec impatience et gourmandise.
Qui mieux que le grand comédien Michel Piccoli pouvait incarner ce sulfureux personnage ? Dès les premiers plans du film nous avons affaire à ce personnage livide et blafard. Il est tout juste sorti d’entre les morts. Sorti tout droit du monde des vampires ou de l’un des plus beaux films de Jean Pierre Melville.
Quelle est cette détermination ultra-conservatrice qui transforme cet homme dans le film "Max et les ferrailleurs" ? Cet homme, cette détermination pour en faire cet imprécateur. Une véritable machine à écraser les autres, ceux qui ne sont pas ses égaux. Max est un manipulateur. Il est de ceux qui calculent. Il n’est pas une fonction. Car il est, au premier chef, un ordonnateur, un calculateur. Il est et devient la manipulation.
Peut-on faire plus de mal que de manipuler, de ceux que l’on a aimé, la manipulation devient une arme absolue, celle qui tranche sans rien épargner, celle qui écrase ou tout simplement celle qui tue. Alors, face à cette manipulation nait la rédemption. Car doit-t-on juger nos actes et les révéler face à face ? Sont-ils faux ou droits, légitimes ou incohérents ? Max le manipulateur, celui qui a les cartes en main ; somme toute un joueur ?
Mais quel est le complexe de Max ? Claude Sautet nous brosse son portrait : celui d’un homme conformiste bourgeois, intelligent et perfectionniste ravagé par cet amour éhonté des femmes, de cette luxure providentielle. Max le rédempteur ! Mais oui, à la fin il faut payer, quoi qu’il en soit, quoi qu’il advienne…Claude Sautet de nous apprendre : "A la fin que faites-vous ?". La manipulation de Max est celle de fourvoyer les simples ferrailleurs, du petit peu qui gouverne sa vie en fera l’exemplarité et l’obstination aura raison de bien des rêves, ceux des plus simples aurons toujours raison aux plus complexes. S’oublier soit même à la manière de Max. Voilà Max. Il est nous. Il est vous.
Il est certain que nous aurions aimé prendre un bain avec Romy, de prendre le soleil avec René Clément, d’être aux assises avec Orson Welles, de voir "Les Choses de la Vie" et d’être bien accompagné avec "César et Rosalie" comme "Une femme à sa fenêtre" et surtout de ne jamais oublier que "L’important c’est d’aimer"... C’est tout cela ! C’est Claude Sautet !
"Max et les ferrailleurs", comme de nombreux films de Romy Schneider, est actuellement proposé dans le cadre de la rétrospective programmée par la Cinémathèque française, jusque fin juillet 2022.
Pierre Delarra
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