Source : Blog culture du SNES-FSU - 26 janvier 2022
Un visiteur, dont la voiture a fait une sortie de route dans le brouillard, arrive dans une maison isolée dans la campagne anglaise. Il y trouve une femme affolée, revolver en main, qui affirme qu’elle vient de tuer son mari. Le cadavre est bien là dans une chaise de paralytique. Mais bien d’autres personnages sont dans la maison – la mère du mort, son demi-frère, son garde-malade, la gouvernante, un ami de la famille – et chacun pourrait bien avoir eu un mobile pour tuer l’être odieux que semblait être l’homme assassiné.
On reconnaît une énigme comme celles dans lesquelles excellait Agatha Christie, et justement il s’agit d’une de ses pièces. On la connaît bien pour ses romans mais elle a aussi adapté plusieurs de ses romans en pièces de théâtre et huit d’entre elles viennent d’être traduites par Sylvie Perez et Gérald Sibleyras. La pièce ouvre sur le meurtre et l’on croit connaître le coupable. Mais l’évidence de départ va être démentie, pas tant par l’enquête de l’inspecteur de police dépêché sur place, qui examine empreintes, alibis et mobiles, que par ce qui se révèle peu à peu à travers les confidences de chacun.
On sent le plaisir qu’a eu la metteuse en scène Frédérique Lazarini à jouer de ces renversements et à entretenir le mystère. En fond de scène des grandes baies vitrées qui donnent sur un paysage de brouillard derrière lesquelles glissent furtivement des personnages. L’aspect bourgeois aisé de la maison cache bien des noirceurs, des frustrations et des trahisons. Des vidéos, dans un noir un peu fané, projetées sur les côtés du plateau contribuent à l’atmosphère de mystère et le retour régulier de la comptine enfantine "three blind mice", renvoyant à des souris armées d’un couteau ne détend pas vraiment l’atmosphère !
Les acteurs et actrices (Sarah Biasini, Pablo Cherrey-Iturralde, Cédric Colas, Antoine Courtray, Stéphane Fiévet, Emmanuelle Galabru, Françoise Pavy et Robert Plagnol) semblent d’abord jouer avec une certaine distance comme s’ils nous disaient qu’ils sont bien en représentation, qu’ils jouent un rôle, le surjouant volontairement parfois (rire sarcastique de Sarah Biasini par exemple). Et c’est au fur et à mesure de l’avancée de l’enquête qu’ils se démasquent. Ce parti-pris ajoute de l’humour et une distance qui sied bien à la pièce.
Une énigme où tous peuvent être coupables et où ce n’est qu’à l’extrême fin que le mystère se dissipe, quel bonheur pour le spectateur qui se plaît à se transformer en détective.
Micheline Rousselet
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