Source : WebThéâtre.fr - 27 octobre 2017
Modigliani a hanté les cinéastes et les romanciers. Peu les auteurs de théâtre. Quoiqu’il nous souvienne d’une pièce émouvante de Philippe Faure, auteur parti trop tôt comme l’artiste de Montparnasse, Moi j’étais femme dans les tableaux de Modigliani... Aujourd’hui, c’est Laurent Seksik, connu pour ses écrits sur Stefan Zweig et Romain Gary, également connaisseur d’Amedeo Modigliani, qui entend donner à voir la vie, la souffrance, le désir d’amour, la marginalité et la mort du peintre maudit, surnommé justement « Modi ».
Le voilà, l’exilé italien, le paria des pinceaux, dans son atelier de Montparnasse, avec sa muse qui est aussi artiste peintre, Jeanne Hébuterne – elle va avoir une enfant de lui. Passent et reviennent deux autres personnages : la mère de Jeanne, incarnation absolue de la bourgeoise qui ne comprend rien au monde de l’art, et le marchand du peintre, Léopold Zborowsky, qui commence à vendre, non sans mal, les toiles de son poulain. Deux années se passent : le temps de se débattre, de défier la société, de boire beaucoup d’alcool, d’aimer, de se préparer à la paternité, et de mourir à 35 ans, en 1920.
L’information est solide, et l’on aime écouter Modigliani parler d’art, de sa passion des lignes courbes et de ses amis et rivaux, Picasso, Derain, Soutine...
Mais Laurent Seksik ne peut nous cacher qu’il est un romancier historien qui s’essaie une nouvelle fois, après l’adaptation des Derniers Jours de Stefan Zweig, au théâtre. Il aligne sagement les séquences, sans trouver le tourment dans la langue, le dialogue, l’entremêlement des histoires de chacun. Certains moment sont brillants, spirituels. D’autres trop tranquilles.
Stéphane Guillon, connu comme joyeux pourfendeur du monde politique, a incontestablement une présence d’acteur ; il est éclatant, ironique, mais la noirceur n’est pas sa couleur. Sarah Biasini donne le maximum d’émotion et de sensualité à une partition trop mince : son personnage n’est pas assez relié au protagoniste (il faudrait des duos plus violents).
Geneviève Casile est très incisive, tout à fait efficace dans la méchanceté, mais le rôle ne sort guère de sa convention. Didier Brice a peut-être la partition la plus juste : il est, dans un détachement amusé, ce marchand qui encaisse à la fois les colères du maître et les pourcentages des ventes. Didier Long mène cette descente en enfer avec une élégance qui se réfère sans cesse à l’art, à ses couleurs, à ses formes, aux miroitements des lumières. La bohème de « Modi », ce ne pouvait être aussi calme...
Modi de Laurent Seksik
Mise en scène de Didier Long
Décor de Jean-Michel Adam
Lumières de Patrick Clitus
Musique de François Peyrony
Costumes de Pascaline Suty
Avec Stéphane Guillon, Sarah Biasini, Geneviève Casile, Didier Brice.
Théâtre de l’Atelier, tél. : 01.46.06.49.24. (Durée : 1 h 45)
Photo Laurencine Lot
Gilles Costaz
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