Source : Shangols - 29 juillet 2008
Il est fou de voir la facilité qu'on a à vouloir oublier complètement la fin de certains films; j'avais revu Les Choses de la Vie il y a légèrement plus de deux ans - avant la création de ce blog - et j'avais beau m'être dit et répété que la fin était inoubliable, eh ben non, encore cette fois-ci, jusqu'au bout, j'ai voulu croire au miracle. Claude Sautet parvient, en à peine une heure vingt, avec un accident de caisse et une poignée de flashs-back, à nous rendre crédibles non seulement l'histoire d'amour entre Piccoli et Romy Schneider, leur univers, leur complicité et leurs petits différends, mais également à nous dévoiler tout un pan du passé de Piccoli, son ancienne femme, ses relations avec son fils, sa vie quoi.
Une scène d'ouverture inoubliable, un accident image par image et puis on remonte le fil jusqu'à la journée de la veille. L'histoire tient sur une nappe : Piccoli est amoureux (comment ne pas l'être...) de la Romy mais semble tergiverser, tiraillé entre des images d'une ancienne vie qui lui manque et l'angoisse de s'engager leschosesdelavie9kbdéfinitivement dans une autre aventure, une autre histoire, un autre amour. La construction du film n'est en rien révolutionnaire, certes. Le don de Sautet, avec une grande économie de dialogues, c'est non seulement de nous rendre palpables les sentiments entre les différents personnages, mais surtout de parvenir à illustrer la véritable tempête dans le crâne de Piccoli. Lorsqu'on le retrouve au volant de sa voiture, on plonge littéralement dans ses pensées et, en une multitude de petites séquences, quasi impressionnistes, on découvre tout le tableau de sa vie : son bonheur passé avec une autre femme, son coup de foudre pour le regard de la Romy, ses doutes, ses envies, ses brusques décisions... Ensuite la mécanique du destin est la seule responsable de ce carambolage stupide, une des trois millions de choses incompréhensibles de la vie. Si l'accident de la route nous est conté par le menu, évoqué au départ comme une séquence policière pour finalement s'attacher, dans les moindres petits détails, aux acteurs, malgré eux, de ce drame, toutes les séquences mises en scène auparavant par Sautet portent en elles un véritable souffle de vie : grâce en soit rendue aux acteurs, definitely, mais aussi à l'art de Sautet de dessiner, en un coup de pinceau, une situation d'un "réalisme" aigu : sur le bateau, dans le café, sur le chantier, dans l'appart... Les rares dialogues entre Romy et Piccoli sont, tout autant, d'une justesse remarquable, frappent juste au bon moment ("Je ne veux pas d'une île qui a déjà servi"; "Je ne vois rien sans mes lunettes / T'as qu'à me demander, je te raconterai"; "Tu m'aimes parce que je suis là mais s'il faut traverser la rue parce que je suis de l'autre côté, tu es perdu"); il y a même un unique flash-forward superbement onirique qui concentre tout un bonheur éventuel et le tragique du présent, en faisant simplement le tour de la table d'un repas de mariage...
Claude Sautet n'est peut-être pas celui qui a le plus révolutionné l'art cinématographique; n'empêche que rares sont les films qui sont capables de traverser les décennies sans que la moindre petite ride ne les affecte. Les Choses de la Vie garde en lui un pouvoir émotionnel intact et je ne sais point si je suis ou non romantique mais ce film m'abat comme un chêne scié à la base, à chaque fois.
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