Source : Fous de théâtre.com - 17 mars2014
Au Théâtre 14, rigoureusement dirigés par Gilbert Pascal, les deux comédiens portent haut une oeuvre noire, pour le moins secouante, de Neil LaBute, cinéaste-dramaturge américain à qui l’on doit notamment En Compagnie des Hommes, Possession ou encore Panique aux Funérailles. Trois textes distincts, trois «confessions» (deux monologues et un duo qui n’est pas un dialogue) mettant en scène des personnages ordinaires aux repères confus, ayant choisi un jour, pour avancer, de commettre l’irréparable. Des actes épouvantables, répressibles mais impunis. Des êtres contraints, en leur âme et conscience, de composer seuls jusqu’à la fin de leurs jours avec l’extrême violence dont ils furent les acteurs. Parce que ce jour-là, ils ne purent faire autrement. «Seriez-vous capables de résister à vos pulsions les plus moches, en toutes circonstances, dans un monde en vrac où l’horreur se banalise ?» , semble nous demander LaBute…
Difficile de pitcher ces partitions sans risquer d’affaiblir cet intense effet «Bash» (coup de poing), nécessaire à leur bonne réception par le spectateur, brillamment amené par l’auteur dont la plume âpre, nette, percutante, sans fioritures, saisit une heure vingt durant. Toutefois les titres étant suffisamment explicites (Iphigénie en Orem, Le retour de Médée et Une Bande de Saints), vous nous permettrez les lignes suivantes.
Face au public, d’abord, se présente un homme qui, pour éviter le chômage et conserver son train de vie, explique avoir sacrifié son enfant dans un geste de désespoir. Une femme évoque ensuite l’ «histoire d’amour» qu’elle eut avec un prof lorsqu’ elle avait treize ans, la fuite de celui-ci quand elle fut enceinte, et sa vengeance des années plus tard. Enfin un jeune couple narre son séjour à New York à l’occasion d’une fête endiablée. De son côté, elle décrit l’évènement avec enthousiasme et légèreté tandis que lui, sur le même ton, raconte sa fin de nuit criminelle dans Central Park.
En guise de scénographie, un lé de tissu rouge sang tombe des cintres, à cour. Symbolique. Parlant. Au centre du plateau, une chaise. Rien d’autre. Pas besoin de plus. C’est dans ce cadre que Sarah Biasini et Benoît Solès, séduisants, sobres, intenses, paradoxaux, mettent tout leur talent au service de monstres d’une fascinante complexité. Bouleversants. Perturbants. Si loin et pourtant (souvent) si proches de nous. Paumés, rongés par la douleur ou le secret, mais convaincus d’avoir agi comme ils le devaient. Quel chemin parcouru par la fille de Romy Schneider depuis «Pieds nus dans le parc» et «L’antichambre», délivrant désormais un jeu puissant, maîtrisé et nuancé. Bravo. Celui dont le Tennessee Williams nous avait conquis il y a trois ans se révèle pour sa part, une fois encore, remarquable de vérité. Son regard perçant est une fabuleuse fenêtre sur l’âme de ceux qu’il incarne.
N’hésitez pas à courir au 14 pour vous faire «basher» !
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