Oh, quelle impatience nous saisit, nous amateurs des Beresford, à l’annonce par le réalisateur lui-même, lors d’une avant-première bondée, de ce à quoi il fallait nous attendre : une enquête originale, parsemée de grains de fantaisie (Cocteau et Prévert en ont fait autant, nous prévint un Pascal Thomas d’une grande modestie) – quelque chose de surprenant et d’original... Dans le cadre de la saga des Beresford, de telles promesses émoustillent. Hélas, entre une succession de sketches à la «fantaisie» comique plate et un scénario d’un ridicule invraisemblable, "Associés contre le crime..." met un point final très décevant à une série policière pourtant d’assez bonne tenue.
Le film, cependant, propose de bonnes idées : une Prudence Beresford (Catherine Frot) dépressive, envieuse du prestige de son Bélisaire de mari (André Dussollier), et qui persiste toujours et encore à voir partout des idées de polars à deux sous. Le film se permet même de douter un instant de son héroïne – au point de situer l’action au même endroit que "Mon petit doigt m’a dit...", le premier de la trilogie des Beresford. L’idée est absurde, mais séduisante : que se passe-t-il donc dans ce petit village de Savoie pour que les intrigues crapuleuses s’y accumulent ? Rien. Rien, sinon la coïncidence – cette grande ennemie de la rigueur qui sied à un polar digne de ce nom. Voilà qui donne le ton quant à «l’enquête» qui structure "Associés contre le crime..." : une sorte de prétexte absurde à encadrer les scènes de bravoure du couple Dussollier-Frot.
Là encore, pourquoi pas ? L’alchimie entre les deux acteurs fonctionne bien : "Mon petit doigt m’a dit..." et "Le crime est notre affaire" l’ont assez prouvé. Pascal Thomas, réalisateur tranquille et sans beaucoup de personnalité, donnait dans ses deux films l’occasion à Catherine Frot et André Dussollier de camper un couple d’enquêteurs fouineurs, complices et iconoclastes, une sorte d’avatar quinquagénaire des Emma Peel et John Steed de Chapeau melon et bottes de cuir, tout entier porté par leurs interprètes. Hélas, Pascal Thomas, dans sa volonté de faire « fantaisiste », semble avoir perdu tout sens de la mesure : que les chemins narratifs divergent en plein milieu de l’intrigue pour aller explorer des pans de la vie de Prudence Beresford, soit. Encore faudrait-il qu’ils apportent quelque chose au personnage. Catherine Frot elle-même semble avoir quelques difficultés à porter du crédit à ces passages – celui de l’anniversaire de son père, d’une colossale idiotie, étant le plus pénible de tous.
Déterminé, sans doute, à porter la «fantaisie» au sein même de ses choix techniques, Pascal Thomas laisse de côté toute direction d’acteurs : les acteurs chevronnés s’en sortent bien, mais les seconds couteaux, tels que Linh Dan-Pham dans le rôle de l’indic-infirmière, semblent jouer très faux à dessein. Quant au trio de médecins félons (un Allemand afec un agzent gomme za, une Russe en cuir qui rrrroule les «r» et ne sourit jamais, et un Français... sans signe distinctif mais c’est le chef, parce que c’est sans doute mieux comme ça, le public-cible étant français avant tout), ils appartiennent à une tradition du pulp autoparodique au trait forcé qui ferait sans doute merveille chez un réalisateur comme Quentin Tarantino. Hélas, Pascal Thomas ne possède pas la présence formelle du réalisateur de Jackie Brown, et ces numéros outrés, assortis d’intermèdes comiques un rien –osons la litote– poussifs, évoquent plus volontiers les comédies franchouillardes des années 1970 que l’absurde poétique dont se prévalait Pascal Thomas.
Restent Frot et Dussollier, toujours impeccables. Cela suffit-il à acheter l’indulgence pour un film qui termine sur une note ridicule une trilogie de série noire érudite pourtant prometteuse ? Certes pas, d’autant moins que la désinvolture de l’intrigue hommage à Agatha Christie hérissera certainement le poil de ses lecteurs. Dommage.
Vincent Avenel
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