Source : Art Point France Info.com - 10 décembre 2009
Les images de Clouzot. Le talent de Bromberg.
Ce qui impressionne et que l'on retient d'abord ce sont des images extraordinaires. Des scènes en noir et blanc ou en couleur, toutes muettes : Romy Schneider, simplement belle, qui évolue en skis nautiques sur un lac de montagne et Serge Reggiani, le visage anxieux, courant à perdre haleine sur le viaduc qui culmine au dessus de la surface de l'eau. Rushs et fragments de pellicule retrouvés livrent encore d'autres images Elles sont hypnotiques à force d'effets cinétiques divers, de recherches et d'expériences invraisemblables. Clouzot a tenté d'inventer un nouveau langage plastique de l'image cinématographique, en relation avec une histoire intime entre deux personnages, scandée par de folles crises de jalousie.
Mais le film que vous irez voir, est bien une oeuvre de Serge Bromberg. Il raconte le tournage insensé de L'Enfer de Clouzot dans un récit finement construit. Entre les images du réalisateur de L'Enfer, on retrouve des interviews de Costa Gavras assistant à la réalisation lors de la préparation du film, de Bernard Stora qui était stagiaire, de William Lubtchansky alors assistant opérateur… Sans concession, ils nous dévoilent la folie obsessionnelle de Clouzot, son irrésistible désir de perfection que rien, ni personne ne limite. Les textes du scénario original sont lus et dits hors-scènes par deux comédiens filmés sur fond noir, Bérénice Bejo et Jacques Gamblin. Ils donnent vie aux scènes de Clouzot d'une manière imperceptiblement décalée et nous rappellent que le metteur en scène, réalisateur et producteur de surcroît, disposait de tous les éléments et composants de son film et au delà.
Et c'est sans doute cet aspect sans limite des conditions de réalisation et de production de l'Enfer qui engloutit le projet et le mène au naufrage. Éternellement insatisfait, Clouzot a les moyens de soumettre ses acteurs et ses équipes de tournage à des recommencements incessants. Au résultat 16 heures d'images superbes, pour un film rêvé et inachevé mais 16h d'images qui sont aussi le matériau à partir duquel Bromberg a réalisé une oeuvre formellement maîtrisée qui autorise des lectures multiples et qui interroge sur la folie et le processus créatif.
Catherine Plassart
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