Source : Le Figaro.fr - 12 janvier 2009
Dans ce film, qui sort en salle mercredi prochain, il interprète un vieil homme exclu à la dignité exemplaire.
C'est un film de saison, une histoire à écouter, à regarder, au milieu de ces frimas qui donnent envie de rentrer vite au chaud, tranquille, en oubliant les rues inhospitalières, et surtout ceux qui y traînent, sans abri, sans chaleur, ni solaire ni humaine. Francis Huster et Jean-Paul Belmondo ne nous laissent pas nous détourner. Dans Un homme et son chien, inspiré de "Umberto D" de Vittorio de Sica, ils nous font frissonner de honte et de tendresse en suivant le déclin d'un homme âgé, peu à peu repoussé hors de la vie, conduit vers la solitude, la misère et le froid de la mort.
Ancien marin, Monsieur Charles (Belmondo) habite avec son chien une chambre de bonne dans l'hôtel particulier de Jeanne, une femme qui l'a aimée. Mais aujourd'hui, Jeanne compte épouser Robert et fait savoir à Charles qu'elle ne souhaite plus sa présence sous son toit. Il va vendre un livre précieux pour s'acquitter de sa dette envers elle. Puis, il accuse le coup discrètement, d'un vertige, d'un malaise. Robert, qui est médecin, le fait hospitaliser.
À son retour, sa chambre est en travaux, ses affaires dans un carton, son chien a disparu. Charles part à sa recherche, mais c'est pour mieux s'en séparer. Chassé de chez lui, voyant qu'il va bientôt être sans ressources et qu'il ne peut compter sur aucun ami, Charles se fixe une dernière mission avant de disparaître, trouver un bon maître pour son chien, lui assurer un avenir heureux. C'est la seule chose qui le retient encore sur terre.
De tout temps, on a comparé la vieillesse à l'hiver : cette disparition feuille à feuille des parures extérieures de la vie, la beauté et la force physiques, la fraîcheur, la vivacité, la séduction, l'énergie, le pouvoir. Que reste-t-il, sans la frime ? C'est là que Bébel vient offrir son visage raviné, son corps perclus, son demi-sourire lointain, sa bravoure, comme disent les Italiens, et il faut appliquer le mot autant au talent de l'acteur qu'au courage de l'homme. Il revient de loin, on a suivi avec inquiétude ses dernières cascades.
Voir le dénuement et la faiblesse du grand âge incarnés par L'As des as, le héros gouailleur et fonceur de la comédie d'action à la française, est troublant, émouvant, presque choquant pour certains. Parce qu'on ne sait pas où finit la vedette cassée, où commence le grand acteur. Ce qu'il a vécu, ce qu'il joue. Mystère de "Singe en hiver"…
Un passé éclatant et lointain
"Un homme et son chien", c'est l'itinéraire d'un vieil homme pas gâté, qui pourrait dire avec Musset : «J'ai perdu ma force et ma vie, et mes amis, et ma gaieté.» C'est la trajectoire de Job, dépouillé de tout. C'est la courbe de nos vies, que la société moderne essaie de contrarier en niant l'usure et la mort, et qu'Huster et Belmondo, au contraire, ont choisi d'épouser avec beaucoup de noblesse.
À un profond moment de solitude, Charles, immobile, se regarde longuement dans un miroir, «humblement, comme un autre», dirait Bernanos. C'est Charles qui se reflète, mais incontestablement, Belmondo accepte que le spectateur songe à son passé de star, éclatant et lointain. Et il y a de la grandeur dans cette offrande de son image.
Dans une autre scène, Charles s'arrête dans une église, ne sachant où aller. Une femme un peu folle (Emmanuelle Riva) lui dit l'évangile de la mort du Christ. «C'est un film chrétien», dit Francis Huster. Voilà réunis aux pieds de la croix les préférés du Christ : un pauvre, une folle. Des rebuts de la société. Et puis la petite servante, Leila (Hafsia Herzi), si pure et si spontanée dans sa tendresse pour le vieil homme. Car on trouvera aussi tout au long de ce film qui pourrait être désespérant, de belles pépites d'amour. Et toute une bande de comédiens prestigieux, qui firent les beaux jours du cinéma de la deuxième moitié du XXe siècle, et qui font à Bébel un rempart d'amitié et de générosité.
Le film est loin d'être sans défaut, l'écriture manque de liant, la mise en scène est inégale. Mais Belmondo y montre une grandeur désenchantée, qui est au-delà de la nostalgie : la pure dignité humaine.
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