Source : Le Littéraire.com - 27 septembre 2008
Un vaudeville léger sur les tribulations d'un jeune couple où l'homme et la femme s'opposent... pour mieux se réunir.
Elle est légère, enfiévrée, pleine de peps et de vie, lui est sérieux, voire coincé - il est avocat. Ils s'aiment et emménagent dans leur premier appartement. C'est elle qui découvre leur studio. Envolée d'enthousiasme féérique et enfantin servie par une Sarah Biasini explosive et souriante. La scène offre un bel appartement new-yorkais assez "cool", dans l'esprit de la jeune femme. Il est au dixième étage - au neuvième puisque l'entresol ne compte pas - et empêchera sa mère de trop les envahir : elle le trouve superbe. Le regard de son mari est tout autre : trop haut, les voisins sont fous et il gèle.
Alors tout est lancé, traversant une foison de situations cocasses, lançant de joyeux traits d'esprits, ennivrants de jeunesse - le couple en arrive d'un coup à la crise : elle veut divorcer, pour des pieds frileux à aller nus dans le parc. Pas grand-chose pour l'un, l'essentiel pour l'autre. Elle veut de la folie, de la spontanéité, de l'ivresse, lui est trop coincé. Finalement, après une tension désespérée, évidemment, tout rentre dans l'ordre et le bonheur, et même quelque chose d'heureux peut arriver à la mère.
Par là, dans cette pièce se trouvent tous les bons éléments des vaudevilles agréables : une situation de crise invraisemblable mais qui emporte le bon sens par sa marche trépidante ; des personnages stéréotypés et schématiquement opposés - le couple, la belle-mère, le voisin plein de lubies, le réparateur de téléphone qui joue le rôle de la confidente moliéresque... - mais vivants à la fois ; des jeux de scène enfiévrés et qui s'envolent ; et un bon rire qui mène à une vision plus souriante et plus éduquée. Tentons le point de vue psychanalytique : c'est le principe de plaisir et le principe de réalité qui vont à la rencontre l'un de l'autre, chacun se rapprochant pour mieux s'épouser, le plaisir naissant cathartique de cette possibilité fantasmatique de réconcilier ce que notre vie courante oppose trop souvent.
D'un point de vue axiologique, on ne peut s'empêcher d'être un peu dérangé par la position assignée à l'épouse - elle ne travaille pas et laisse la charge du loyer à son mari ; elle est rappelée à son "devoir de femme mariée" (i.e qui doit faire des concessions) par sa propre mère. Dans cette crise, si les deux font des efforts l'un vers l'autre pour se rapprocher, le gros de la mission semble incomber à la femme...
En outre, on peut éprouver quelque gêne à voir le rôle de la confidente conciliatrice, classiquement dévolu à la servante, échoir ici à un juif répérateur de téléphone... D'aucuns pourraient y voir de désagréables connotations idéologiques.
Ces directions de lecture sont à regretter - mais il reste que, dans l'ensemble, grâce à d'heureuses trouvailles de mots et un jeu d'acteurs convaincus qui transporte, cette pièce laisse au spectateur une vraie bonne humeur.
Samuel VIGIER
Pieds nus dans le parc (d'après Neil Simon)
Mise en scène de : Julie Sibony et Steve Suissa
Avec : Sarah Biasini, Olivier Sitruk, Béatrice Agenin, Thierry Bosc, Denis Sebbah
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