Source : Première
Depuis 15 ans, nous suivons de très près le travail de cet artiste qui sait si bien faire entendre un texte, célébrant le théâtre dans toute sa richesse émotionnelle. Il met en scène «L’antichambre» de Jean-Claude Brisville, auteur également du «Souper» et de «Célimène et le Cardinal».
De la direction d’acteur à la mise en espace, vous concevez la mise en scène d’une pièce comme une harmonie, un ensemble.
Pour moi, mettre en scène, c’est mettre le corps en espace, travailler sur l’énergie d’un texte à travers l’énergie de l’interprète, donner corps au texte. Je travaille ainsi depuis le début. Mes premiers auteurs ont été Crébillon fils, Marivaux, Goldoni. Et sur les textes du XVIIIe siècle, il est important que le corps incarne le verbe. C’est avec un grand plaisir que je retrouve cette époque en compagnie d’un auteur d’aujourd’hui qui a su si bien rendre l’esprit des Lumières.
Vos projets naissent de désirs, de rencontres. «L’antichambre» est née de l’envie de retravailler avec ce «Stradivarius» qu’est la comédienne Danièle Lebrun ?
Je suis à l’origine de tous mes projets mais là, c’est Danièle. Lorsqu’elle a été contactée par Danièle et Pierre Franck, les directeurs du théâtre, elle a tout de suite proposé mon nom. Après Tchekhov, «La mouette», et Vivant Denon, «Leçon de nuit», je la retrouve avec bonheur. Nous avons des relations professionnelles et amicales sincères, cela montre que l’esprit « compagnie » a pu perdurer. Toutes les retrouvailles doivent être mises en relief par de nouvelles rencontres. Il fallait mettre une jeune comédienne face à Danièle. Sarah Biasini a l’énergie et la modernité qu’il fallait. Je rencontre enfin Roger Dumas, qui semble toujours pour le public sortir d’un album de famille, tellement son humanité et sa générosité sont présentes sur le plateau, comme dans la vie.
Dans la pièce de Brisville, l’esprit éclaire cette «Antichambre» où deux femmes s’affrontent sur les idées.
Jean-Claude Brisville a choisi le sujet de l’affrontement entre deux femmes, mais il parle aussi d’éducation. Julie de Lespinasse représente évidemment le siècle des Lumières, les Encyclopédistes, et Marie du Deffand, l’esprit de la Régence. L’une n’existerait pas sans l’autre. Cela raconte comment une reine est détrônée et comment une autre reine s’impose. La pièce est teintée d’intelligence, faite de la confrontation entre la modernité de penser de Julie et celle plus conservatrice de Marie.
Votre imaginaire, riche d’images bien sûr, de symboles, a pris quel envol sur ce sujet ?
Mon premier réflexe est de créer mon propre salon artistique, Catherine Bluwal (décors), Marie-Hélène Pinon (lumières), Claire Belloc (costumes), Michel Winogradoff (son). C’est avec leurs talents que j’ai créé un espace totalement théâtral où le trompe-l’œil et la fausse perspective vont mettre en évidence l’isolement de Marie, au cours de son histoire. Un espace qui se réduit et vous laisse apercevoir les différents angles de la pensée de ces deux femmes. Qu’est-ce qu’un changement de point de vue au théâtre ? Un reflet, une lumière, une illusion.
Vous venez de monter à Barcelone, «Variations énigmatiques» d’Eric-Emmanuel Schmitt, comment va le théâtre là-bas ?
Le théâtre est flamboyant en Espagne et plus particulièrement à Barcelone. Cette création m’a permis de faire mes premiers pas sur les plateaux des grands théâtres espagnols, mais pour moi, le théâtre est un pays dans un autre pays, il favorise les rencontres, permet de vivre des aventures nouvelles Les acteurs, Ricard Borras et Nacho Fresneda, par leur générosité, me le prouvent à chaque représentation.
Propos recueillis par M-C. Nivière
Commentaires