Article paru dans "L'Humanité" du 06 octobre 2006
Tournage. Nous nous sommes tant haïs, qui sera diffusé sur France 3 le 25 mars prochain, retrace les débuts de la construction européenne. Reportage.
Un portrait de Lénine trône dans cet ancien entrepôt de mécanique désaffecté. La table en bois est recouverte d’exemplaires de l’Humanité datés de 1951 et de quelques tracts. Sur les murs, les portraits de Karl Marx et de Staline côtoient des affiches appelant les métallurgistes à adhérer à la CGT. Cette cellule du Parti communiste reconstituée fait partie des décors du téléfilm de France 3 Nous nous sommes tant haïs. L’histoire se déroule entre le 9 mai 1950, lorsque Robert Schuman annonce la réconciliation franco-allemande, et le 10 août 1952, date de la nomination de Jean Monnet à la présidence de la Haute Autorité de la communauté économique du charbon et de l’acier (CECA). Elle mêle la grande histoire, celle de la construction de l’Europe avec Jean Monnet, Robert Schuman et Konrad Adenauer, et la petite histoire, celle d’un couple franco-allemand. Marie (Sarah Biasini), fille de petits commerçants rochelais, et Jurgen (Pawel Delag), soldat allemand, se sont aimés à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Elle a été tondue, lui fait prisonnier. Ils se retrouvent cinq ans après, au moment où la réconciliation franco-allemande marque les débuts de la construction européenne.
Pour illustrer cette histoire, le réalisateur Franck Apprederis s’est entouré d’une distribution de choix : Pawel Delag, grand brun ténébreux, est un acteur polonais célèbre dans son pays pour y avoir interprété le Jean Dujardin national dans Un gars, une fille. Bernard-Pierre Donnadieu campera Jean Monnet. Quant à Sarah Biasini, fille de Romy Schneider, elle s’est déjà illustrée à la télévision dans Julie, chevalier de Maupin pour TF1 et au théâtre avec Pieds nus dans le parc. « Elle est le symbole de ce film, affirme Franck Apprederis, avec son père français d’origine italienne et sa mère autrichienne. » L’intéressée se sent effectivement « européenne », mais n’a pas accepté le rôle que pour cet aspect : « Je rêve depuis longtemps d’un rôle pendant la guerre. 1950, c’est pour l’instant la date la plus proche que j’ai trouvée ! » dit-elle, malicieuse.
Son personnage, Marie, est militante féministe. Ses amis communistes se déchirent sur le projet de la CECA. Les anciens résistants ne peuvent concevoir une réconciliation avec l’Allemagne, cinq ans seulement après la pire des guerres. D’autres reprochent à Jean Monnet de construire une Europe des industriels.
Franck Apprederis a eu l’idée du film au moment du référendum sur le projet de constitution européenne. « Je suis pro-européen, ce qui ne veut pas dire que j’approuvais ce projet de constitution, précise-t-il. J’ai décidé de faire ce film pour rappeler aux gens - ou leur apprendre - comment l’Europe avait démarré. » Exceptionnellement, la date de la diffusion est déjà connue : Nous nous sommes tant haïs est programmé sur France 3 le 25 mars, jour du cinquantième anniversaire du traité de Rome.
Marie Barbier