Article intérieur : * Sarah Biasini : Au nom de Romy 4 pages |
Source : Gala - 23 mars 2022
Crédits photos : © Thierry Stefanopoulos / KCS PRESSE
Sarah Biasini, fille de Romy Schneider :
"Plus le temps passe, plus on finit par s'alléger"
A l'approche des 40 ans de la disparition de Romy Schneider, Gala a interviewé sa fille Sarah Biasini sur sa construction à l'ombre d'un mythe. Et l'amour qui les lie. A jamais. Confidences exclusives.
Ce 29 mai 2022, impossible de ne pas penser à Romy Schneider, disparue 40 ans plus tôt. Romy, visage de la beauté, héroïne d'un cinéma français de qualité, symbole de la vie avec ses joies et ses chagrins. Bien évidemment, le manque reste le plus vif pour sa fille Sarah Biasini, âgée de 4 ans et demi à sa mort. Sarah a été protégée par son père Daniel Biasini et ses grands-parents paternels, durant son enfance et son adolescence.
Quelques séances photo officielles pour tenir à distance les paparazzi. Beaucoup de conversations intimes sur qui était Romy la femme, derrière Romy l'actrice, pour pallier l'absence. A son tour, Sarah est devenue comédienne. Et mère. D'une petite Anna, aujourd'hui âgée de 4 ans.
Il y a un an, inspirée par la profanation de la tombe de sa mère et la découverte quasi simultanée qu'elle allait donner la vie, la fille de Romy a sorti "La beauté du ciel" (Ed Stock), puissante réflexion sur la maternité et la filiation. Ce 14 mars 2022, jour de relâche de sa pièce "Un visiteur inattendu", on l'a vue inaugurer une exposition consacrée au travail d'actrice de sa mère, à la Cinématique française, à Paris. L'occasion d'un entretien avec elle. Parfois abrupte. Mais toujours émouvant.
Gala : Vous avez contribué à l’exposition Romy Schneider à la Cinémathèque française, en prêtant des objets. Il y a un an, vous sortiez le livre "La beauté du ciel", dans lequel vous exploriez le thème de la filiation. Avez-vous le sentiment de terminer une "réparation" concernant votre mère, souvent réduite à ses chagrins ?
Sarah Biasini : Le livre et l’exposition, ce n’est pas la même chose. Ce que je trouve beau dans l’exposition, c’est qu’elle montre l’étendue du travail de ma mère, sa volonté, ses convictions de femme et d’actrice. Elle le mérite. En même temps, tout rappelle qu’elle n’est plus là. C’est un autre regard que le mien, mais c’est très bien fait. Comme tout le monde, je ne me lasse pas de la photogénie de ma mère. Voilà…
Gala : L’écriture de La beauté du ciel, dans lequel Romy réapparaît au gré de vos questionnements sur votre propre maternité, ce fut une libération ?
Sarah Biasini : La volonté d’écrire m’est venue deux ans avant la profanation de la tombe de ma mère. J’ai toujours aimé la lecture. J’avais envie d’isolement, de mener un projet toute seule. Je tournais autour d’une histoire d’amour. Et il y a eu cette conjonction d’évènements, incroyable. Quand on se lance dans l’écriture, il faut le faire avec honnêteté et une certaine légitimité concernant le sujet qu’on aborde. Dans le fond, l’amour maternel est le thème qui m’a toujours intéressée : les ambivalences d’un mère, mon rapport à ma mère, à mes mères de substitution, à ma fille…
Sarah a l'âge de Romy quand elle est décédée :
"Bien sûr, c'est troublant, comme un tournant pour moi"
Gala : Vous n’aimez pas le mot deuil, paraît-il. Mais vous avez 44 ans, l’âge de votre mère à sa mort, et votre fille Anna a 4 ans, le vôtre au moment de la tragédie. Quelque chose s’ouvre, semble-t-il…
Sarah Biasini : De toute façon, plus le temps passe, plus on finit par s’alléger. La correspondance des âges, j’y pense, bien sûr. C’est mon père le premier qui m’a prévenue que cela me ferait quelque chose, il y a deux ou trois ans. Il y avait les raisons évidentes. Mais il m’a aussi fait réaliser un élément qui m’avait échappé : ma mère était encore jeune, quand elle est partie. Alors, bien sûr, avoir 44 ans, c’est troublant, comme un tournant pour moi.
Gala : A quoi cet âge vous oblige-t-il ?
Sarah Biasini : Seule la maternité m’oblige. Je dois à ma fille de rester en bonne santé, déjà.
Gala : Réussir votre vie de femme aussi, non ?
Sarah Biasini : Toutes les femmes le veulent. Ma mère en avait exprimé la volonté, elle aussi.
Gala : A la différence près que vous semblez tenir vos distances avec la starification.
Sarah Biasini : Les comédiens de théâtre sont moins exposés que les acteurs de cinéma dans les médias, de toute façon. Le théâtre n’a pas été un choix conscient, mais je m’y sens si bien que je n’imagine pas quitter les planches. Je me sens plus à l’aise sur une scène que sur un plateau. J’ai perdu l’habitude de la caméra. J’aime l’instantanéité du théâtre, la voix qu’on projette dans une salle, le côté sacré, très exaltant et très jubilatoire.
"Ma fille Anna ne portera aucune autre histoire que la sienne"
Gala : L’exposition médiatique, c’est quelque chose de difficile pour vous ?
Sarah Biasini : C’est un passage obligé, quand on a quelque chose à promouvoir. C’est le jeu. Il peut être pénible, fastidieux. Comme il peut être intéressant. Tout dépend de qui on a en face de soi. Bien élaborer sa pensée, bien se faire comprendre, est un petit travail intellectuel.
Gala : Vous n’êtes plus l’unique héritière de souvenirs, maintenant que vous êtes maman…
Sarah Biasini : Non, non, non. Anna ne portera aucune autre histoire que la sienne. Elle vient de quelque part, son histoire est liée à celles de ses parents, évidemment. Mais je lui souhaite de mener sa propre vie. En devenant mère, on se décentre. Ce sont les besoins de votre bébé qui comptent, à partir de sa naissance.
Gala : Vous avez déclaré être très fusionnelle avec votre fille, durant les premières années de sa vie. Vous redoutiez le moindre incident…
Sarah Biasini : Je me suis calmée. Je continue de m’inquiéter, comme n’importe quel parent. Mais je me soigne, je n’ai pas envie de l’étouffer, c’est fatigant et un enfant a besoin de sentir qu’on lui fait confiance. Elle a confiance en elle, ça va. Gala : Votre travail sur l’identité et la filiation n’a jamais trop envahi votre intimité ? Sarah Biasini : Non. J’en ai discuté à la sortie de La beauté du ciel. On l’évoque encore ensemble. Mais je n’en parle pas tous les jours, dans ma vie de femme.
"Mon père et mes grands-parents paternels m'ont toujours ramenée du côté de la vie"
Gala : Votre père Daniel Biasini et vos grands-parents paternels, qui vous ont élevée, vous ont soutenue dans l’écriture de "La beauté du ciel" ?
Sarah Biasini : Je ne leur ai pas dit tout de suite que j’écrivais. Mais ils m’ont toujours encouragée dans ce que j’entreprenais. On m’a plus souvent reproché de ne pas suffisamment exploiter mes aptitudes que d’en faire trop. C’est le propre des parents. A mesure que j’écrivais, ils ont été un peu inquiets que je m’enfonce dans quelque chose de morbide, que je ressasse des évènements traumatiques, que je m’expose trop. Mais c’est parce qu’ils m’ont toujours ramenée du côté de la vie, toujours incitée à m’alléger, à aller de l’avant…
Gala : Votre fille Anna a un demi-frère aîné. C’est un soulagement pour vous qu’elle ne soit pas fille unique ?
Sarah Biasini : Bien sûr. Je trouve ça super qu’elle ait un frère.
Gala : En parallèle de votre carrière de comédienne, vous avez entamé l’écriture d’un nouveau livre...
Sarah Biasini : Il s’agit d’un roman cette fois, même si on met toujours de son vécu. L’écriture, c’est un véritable épanouissement, une liberté supplémentaire. Liberté de mouvement, liberté de création… Pour le coup, je n’ai de comptes à rendre qu’à moi-même. Et un peu à un éditeur, quand même. Scénariser un film, porter la responsabilité d’une équipe, je ne pourrais pas, c’est trop lourd. La création, la mise en scène d’une pièce est un peu plus envisageable. Mais écrire seule, ça me va, c’est parfait.
Thomas Durand
Retrouvez l'intégralité de la rencontre avec Sarah Biasini
dans le magazine Gala en kiosque ce jeudi 24 mars 2022.
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