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Sarah Biasani dévoile son enfance dans un livre pour... sa fille
La fille de Romy Schneider vient de publier, un livre écrit à l’attention de sa fille Anna, dans lequel la jeune maman revient sur les traces de son enfance.
Sarah Biasini peste gentiment contre sa fille qui a décoré de traits de feutres des étagères dans la maison. Anna a trois ans. Elle est cette "beauté du ciel" pour qui la fille de Romy Schneider a pris la plume.
Pour se raconter, se (dé)livrer avec beaucoup de pudeur et de délicatesse. Sarah Biasini radieuse dans les bras de sa mère sur la couverture de ce témoignage qui nous ouvre la porte d’une enfance marquée par le manque infini d’une mère.
La jeune maman, née dans le Var, se confie sur cette envie d’écriture qui l’animait. "L’enjeu était de dire beaucoup et en même temps… peu." Avec force et résilience, elle y est parvenue.
Pourquoi avoir décidé de nous livrer ce témoignage en écrivant à votre fille ?
Sarah Biasini : J’avais envie d’écrire depuis longtemps. Et quand les événements sont arrivés - la profanation de la tombe de ma mère suivie de la naissance de ma fille - je me suis dit que c’était un point de départ extrêmement romanesque. Et moi, j’aime les histoires de famille en général. Je trouvais que, finalement, la mienne était très intéressante et qu’il fallait que je m’y attaque.
C’était remonter dans le passé ?
Sarah Biasini : Plutôt un mélange entre le passé et le présent. La constatation un peu inédite que quand vous devenez parent, tout d’un coup vous êtes renvoyés à votre propre enfance. Après je me suis demandé comment raconter cette histoire à mon enfant. Et je trouvais qu’il y avait des choses intéressantes sur comment les vivants apprennent à vivre avec les morts. Comment la transmission se fait. Il y avait pas mal de sujets à traiter finalement. Je ne me suis pas posé longtemps la question de savoir si j’en faisais un roman, une fiction, si j’inventais les prénoms… De toute façon, on m’aurait dit que derrière les personnages il y avait untel ou untel, etc. Et en fait, je nous ai tous considéré comme des personnages.
Vous écrivez : "Personne ne veut oublier ma mère à part moi". N’y avait-il pas le désir d’oublier l’actrice pour rappeler qu’elle était une mère ?
Sarah Biasini : Oui tout à fait. Cette phrase va de pair avec celles qui suivent (NDLR : "Tout le monde veut y penser sauf moi. Personne ne pleurera autant que moi si je me mets à y penser.".) parce qu’on ne veut pas penser à des choses qui procurent du chagrin. C’est compliqué de penser aux morts, car cela signifie penser à une forme de vide. On préfère, par instinct de survie, chasser cette pensée. Et il n’y a aucune culpabilité à avoir. Les morts vivent en nous tout le temps, sans que cela soit douloureux.
Vous évoquez les souvenirs que votre famille vous fait partager sur votre maman, en dressant un portrait joyeux d’elle…
Sarah Biasini : C’est pour louer cette famille vivante, qui s’est toujours montrée digne et courageuse, sans même s’en rendre compte. Ils m’ont toujours parlé de ma mère (NDLR : Sarah avait cinq ans quand sa mère a été retrouvée morte dans son appartement parisien.) et mon frère - dont je parle également, sinon cela voudrait dire qu’il n’a pas existé - sans jamais pleurer, avec une vraie volonté de me transmettre cela. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir une famille qui a su me parler des disparus. J’ai toujours vu que cela leur tenait à cœur de me dire que j’avais été une enfant désirée, une sœur aimée, et c’est à eux que je dois mon équilibre.
Ce livre est aussi un très bel hommage aux autres femmes qui vous ont accompagnée depuis votre enfance…
Sarah Biasini : Complètement. Elles ont été des mères de substitution mais ne se considéraient pas comme telles. Et c’est inestimable. J’ai eu beaucoup de chance, j’en ai encore car elles sont toujours là aujourd’hui, je peux encore leur dire que je les aime.
Dès les premières pages, on a le sentiment que vous écrivez aussi pour votre mère.
Sarah Biasini : Certainement. D’ailleurs, à plusieurs reprises en écrivant, je me suis demandé comment je pouvais m’adresser à toutes les deux en même temps.
Vous confiez que votre compagnon vous a dit "Tu n’es plus seulement la fille de…" Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
Sarah Biasini : J’ai répondu : "Oui tiens c’est vrai…" Même si je ne cesse pas d’être la fille de ma mère parce que je suis devenue la mère de ma fille. On ne cesse jamais d’être l’enfant de ses parents. On a toujours un rapport particulier avec eux, même à cinquante ans on se place en petit enfant parfois.
Vous nous partagez également les rencontres qui ont marqué votre vie en tant que "fille de".
Sarah Biasini : À partir du moment où je cherchais à expliquer comment les recherches d’une fille envers sa mère se déroulent, ça allait de soi. À un moment donné, elles ont dépassé le cercle familial pour obtenir un témoignage. Je ne suis jamais allée les voir avec des questions. Je n’ai pas provoqué les rencontres, je n’avais pas envie de les ennuyer ou les mettre dans une position délicate en réveillant leurs souvenirs. Ça s’est quand même fait et c’était surtout magnifique car nous étions très émus. Je ne me souviens pas de ce que nous nous sommes dit. Je me souviens de mon émotion et de la leur.
Vous avez aussi choisi de livrer le contexte dans lequel vous avez appris la disparition de votre mère.
Sarah Biasini : Au cours de l’écriture, tout d’un coup, j’ai repensé à cette scène et je me suis sentie obligée de la mettre dans le livre. Je trouvais que c’était une belle scène, dont finalement je me rappelle assez bien, qui allait avec l’histoire que je racontais. C’est un vrai souvenir dont je n’avais jamais parlé. En écrivant, j’étais très émue.
Est-ce que cet exercice a refermé le livre de l’enfance, l’album de souvenirs ?
Sarah Biasini : En tout cas, j’ai fait cela sans but cathartique. Dès le départ, j’avais envie de raconter une histoire, de me retrouver seule face à un carnet de notes et un ordinateur, de maîtriser quasiment tout avec un éditeur qui vous soutient. L’idée de raconter mon histoire est venue ensuite. Maintenant que c’est fait, être allé au bout est fantastique. Je me rappelle très bien des premiers moments… Je n’en reviens pas d’être arrivé là. Et j’espère ne pas en rester là même si je sais que le deuxième livre sera plus compliqué que le premier.
Par Karine MICHEL
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