Source : Le Magazine du Ciné - 18 novembre 2020
Il a souvent été reproché à Claude Sautet de faire un cinéma d’hommes, sur les hommes, mettant en minuscule la jonction féminine de la société, et portant son regard sur l’amour ou les amertumes d’une certaine frange de la société, souvent parisienne. Pourtant, cette fois-ci, avec "Une histoire simple", le cinéaste offre un rôle sur mesure pour celle avec laquelle il a déjà beaucoup travaillé : Romy Schneider.
Le titre du film, "Une histoire simple", est peut-être évocateur : il n’est pas aussi poignant que "Les Choses de la vie" ou aussi sentimental que "César et Rosalie", mais le film n’en demeure pas moins un Claude Sautet admirable, précieux par la justesse de ses traits et la candeur de son propos. Dans une œuvre au cadre sociologique et à l’environnement habituels chez Claude Sautet (les fameuses grandes réunions de familles «bourgeoises» et les immenses tables), c’est dans ces œuvres-là que le talent des acteurs joue beaucoup. A cette occasion, Une histoire simple sera parfaitement servi par la magnétique Romy Schneider mais aussi par le brumeux Bruno Cremer. C’est alors que se construit devant nous un beau portrait de femme (même de plusieurs femmes), au destin nébuleux, dans une époque 70’s où un vent de liberté pointe le bout de son nez, tout en voyant un questionnement de mœurs s’ajouter par-dessus.
Marie est le personnage central du film (Romy Schneider) mais est aussi le point névralgique par lequel tous les arcs narratifs passent. La caméra, prenant souvent le point de vue de Marie, analyse autant les femmes que les hommes, pour disséquer, comme aime le faire Claude Sautet, la sphère du couple amoureux, mettant en exergue le poids et les controverses de chacun. C’est cette cohabitation qui fait tout le charme et toute la beauté intrinsèque du film : voir une femme de plus en plus sûre d’elle, libre et indépendante, et qui observe, presque hagarde, des hommes autour de plus en plus fantomatiques et déchirés par les heurts de la vie, à l’image des personnages de Jérôme, Georges ou même Serge.
Dans un monde professionnel de plus en plus rude, entre demande de performance destructrice et mondialisation omniprésente, il y a cette épée de Damoclès qui survole chacun des personnages. "Une histoire simple", c’est aussi un monde masculin sûr de lui au préalable, pensant pouvoir divaguer sans rendre de compte, et pensant que parler plus fort que les autres est une marche à suivre, et qui voit par la suite craqueler ses certitudes par une société mutante et mouvante, notamment dans l’affranchissement du monde féminin (Jérôme qui ne savait pas qu’on pouvait quitter quelqu’un pour personne). Que cela soit sur le rôle de mère, d’épouse, d’amie, d’amante ou de salariée, Claude Sautet prend le temps de tout observer et de rassembler toutes les pièces du puzzle, pour laisser la parole à Marie et lui faire vivre l’indépendance qu’elle s’octroie elle même.
Pourtant, de cette mélancolie, de cette noirceur presque intangible, de ces drames qui marquent une vie (suicide, grossesse, avortement, rupture, licenciement), Une histoire simple est d’une fraîcheur inattendue, qui vaut le détour autant par l’écriture du personnage de Marie que par la prestation, tout en nuance, de Romy Schneider. A travers son regard parfois lourd de sens, sa voix posée, sa prestance naturelle ou même la beauté de son sourire, l’actrice illumine le film à elle seule et est le marqueur de la fluidité habituelle du cinéma de Claude Sautet, tant dans les dialogues que dans la mise en scène. Elle gagnera le César de la meilleure actrice pour ce rôle, en 1979.
Commençant par des larmes de solitude et de regrets, voyant Marie assise ou au fond d’un lit, le film se terminera sur son sourire dévoilant une liberté apaisante, une prise de décision personnelle, pleine d’assurance et embellie par le mouvement.
Fiche technique – Une histoire simple
Réalisateur : Claude Sautet
Scénario : Claude Sautet, Jean-Loup Dabadie
Casting: Romy Schneider, Bruno Cremer, Claude Brasseur…
Durée : 1h47
Genre: Drame
Date de sortie : 22 novembre 1978
Commentaires