Source : Trois Couleurs.fr
Adèle Haenel reprend dans ce clip troublant de Claire Burger le rôle sensuel et libertin de Romy Schneider dans le film inachevé d’Henri-Georges Clouzot. À voir dans toutes les salles mk2 à partir d’aujourd’hui !
L’histoire du cinéma est hanté de films maudits. Cléopâtre de Joseph Mankiewicz et ses 35 millions de dollars de budget qui ruinèrent la Fox, Apocalypse Now, qui fit perdre à Francis Ford Coppola 40 kilos. Mais la Palme du plus beau fiasco revient à L’Enfer, oeuvre inachevée d’Henri-Georges Clouzot, si ambitieuse et coûteuse qu’elle ne verra jamais le jour, provoquera le burn-out de son acteur principal Serge Reggiani et l’infarctus du réalisateur. Soixante plus tard, les rush muets et évanescents du film (15 heures de pellicule exhumées par Serge Bromberg dans un splendide documentaire intitulé L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot sorti en 2009) continuent d’alimenter les fantasmes cinéphiles. La preuve: il constitue la matière première du dernier clip de KOMPROMAT -duo formé par Rebeka Warrior (Sexy Sushi) et le musicien électro Vitalic- réalisé par la française Claire Burger (Party Girl, 2014, C’est ça l’amour, 2018).
Viscérale et psychée, la vidéo met en scène Adèle Haenel, sorte de double contemporain de Romy Schneider, reprenant les postures mythiques de l’actrice dans le film original et déclamant de sa voix rauque des lyrics allemands (« Les nuits sont longues mon amante Comme une ivresse obsédante »). Comme pour combler les images manquantes du film de Clouzot, Claire Burger recréé l’érotisme hypnotique des prises de vue de L’Enfer: alternance de noir et blanc et d’éclairages saturés, corps enduits de paillettes et de maquillage, fluides en tout genre (fumée de cigarettes, pellicule d’eau) venant texturer la pellicule et sculpter les silhouettes.
On le sait: avec L’Enfer, Clouzot avait l’ambition de plonger le spectateur dans la folie destructrice de son personnage principal, mari à la jalousie maladive et paranoïaque. Pour donner chair à cette idée, le cinéaste expérimente des effets spéciaux modernes (inspirés de l’art cinétique de Vasarely), met au point avec Éric Duvivier l’Héliophore, système d’animation visuel de plaques de couleurs métallisées, dessine des centaines de storyboard graphiques, travaille avec Bernard Parmegiani, compositeur de musique électroacoustique. En voyant le clip synesthésique et mental de KOMPROMAT, on se dit qu’il n’y avait pas meilleure façon de rendre hommage à l’esthétique visionnaire débordante de Clouzot. Si tout ça a réveillé en vous le désir de vous replonger dans la mythologie folle du film, on recommande chaudement Romy dans l’enfer, texte de Serge Bloomberg (Albin Michel-Lobster).
Léa André-Sarreau
Un hommage si magnétique qu’on a voulu le confronter aux rushs originaux : CLIC ICI
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