Source : Agoravox.fr - 17 février 2020
Des bancs de bois alignés de part et d'autre et les uns derrière les autres semblent prolonger les gradins de l'Artistic Théâtre nous rendant spectateurs d'un cinéma ambulant trônant sur une petite place éclaboussée de soleil et ceinte de palissades de draps immaculés sur lesquelles sont épinglées chemises, combinaisons blanches comme neige (chaude et lumineuse scénographie de François Cabanat) et d'où surgiront les comédiens.
On y respire l'ambiance de l'Italie des années 50-60 et lorsque Sarah Biasini qui interprète le personnage tempétueux de Catarina retirera quelques vêtements qui sèchent, se superposera l'image de Sophia Loren lorsqu'elle étend son linge dans "Une journée particulière" d'Ettore Scola.
La mise en scène judicieuse de Frédérique Lazarini - également majestueuse comédienne, elle était flamboyante dans Lucrèce Borgia de Victor Hugo - mêle intrinsèquement différentes périodes et différents styles d'autant qu'elle s'appuie sur le matériau cinématographique de la comédie italienne pour illustrer la pièce de Shakespeare au théâtre (réalisation du film Bernard Malaterre).
Sur le plateau de l'Artistic Athévains, l'épopée burlesque et survoltée de la "Mégère" est très resserrée et se joue à cinq personnages alors que d'autres personnages prennent vie dans de piquantes séquences filmées, comme la soeur cadette Bianca (Charlotte Durand-Raucher) et les deux prétendants Hortensio et Gremio jetant à ses pieds d'éprises déclarations.
Des intermèdes savoureux comme la pantalonnade farfelue du mariage sont projetés sur l'écran où se poursuit donc une partie de la pièce, créant un décalage scénique renforcé par le saut effectué à travers des décennies différentes.
Sur le plateau de l'Artistic Athévains, l'épopée burlesque et survoltée de la "Mégère" est très resserrée et se joue à cinq personnages alors que d'autres personnages prennent vie dans de piquantes séquences filmées, comme la soeur cadette Bianca (Charlotte Durand-Raucher) et les deux prétendants Hortensio et Gremio jetant à ses pieds d'éprises déclarations.
Des intermèdes savoureux comme la pantalonnade farfelue du mariage sont projetés sur l'écran où se poursuit donc une partie de la pièce, créant un décalage scénique renforcé par le saut effectué à travers des décennies différentes.
Ainsi, on plonge dans la Commedia dell’arte avec ses fanfaronnades, on croise le personnage de Toto, très en vogue au début des années cinquante, défilent des photos de femmes des années soixante au tempérament affirmé comme La Magnani, la Mangano...faisant parallèle au caractère impétueux de Catarina.
On est dans l’Italie de «la Dolce vita» de Fellini, dans le « Mariage à l'italienne » de Vittorio de Sica, «Le lit conjugal» de Marco Ferrerro... Les époques s'enchevêtrent et les costumes des comédiens s'interchangent, tantôt élisabethains tantôt modernes (costumes Dominique Bourde).
Dans cette atmosphère italienne joyeuse et exubérante accompagnée de musiques sucrées et sensuelles, les comédiens interprètent la partition avec une ardeur puissante et une vitalité communicative.
Cédric Colas est un Petruchio plein d'énergie, à la verve endiablée, jouant le méchant avec délectation, martyrisant à souhait la fragile et néanmoins robuste Sarah Biasini, qui se défend avec fougue et donne un éclat exquis à Catarina.
Maxime Lombard au truculent accent est un père à l'obstination bornée ne fléchissant aucunement devant la volonté de marier sa fille aînée avant la plus jeune malgré les suppliques de Lucentio, l'amoureux transi de Bianca joué par Pierre Einaudi. Quant au valet Grumio - Guillaume Veyre - c'est en vrai bouffon qu'il aide son maître à humilier Catarina pour la rendre servile.
Les scènes de privation sont absolument cocasses. Cependant, lorsque la farouche épouse ravalera sa fierté, rien que parce que son corps crie famine et tombe d'épuisement par manque de sommeil, Petruchio, lui, ayant eu le plaisir sadique de faire plier le réel à son désir, finira par abdiquer devant cette résistance qui cède tout au moins en apparence.
A la fin de la pièce, l’héroïne lit un texte de Virginia Woolf, rendant hommage à la sœur de Shakespeare qui n’a pas existé et n’aurait pas pu faire sa carrière… Frédérique Lazarini assure la revanche de Catarina par cette tirade provocatrice.
Dans cette mise en scène débridée, haletante, réjouissante, la Catarina composée par Sarah Biasini n'est pas une harpie belliqueuse, arrogante et insupportable. Elle est une jeune femme vulnérable qui veut affirmer son identité, revendique le droit à la parole, se rebelle et se dresse contre la prédominance masculine et l'autorité patriarcale.
Elle semblera accepter la compromission quand elle trouvera l'homme qui, en fait, est sur la même longueur d'onde qu'elle et qu'entre eux la liaison orageuse se fera jeu amoureux où chacun devient tour à tour l'objet de l'autre. Il suffisait que Petruchio apprenne à Catarina à se faire aimer même si la manière est fort rude pour que celle-ci se décide à aimer également.
C'est frais, tout va très vite, on rit. Humour, jubilation, insolence sont de mise dans cette comédie picaresque réinventée et haute en couleurs.
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