Source : La Dépêche.fr - 06 avril 2018
Le réalisateur Costa-Gavras sera aujourd'hui et demain à Toulouse. Il publie ses Mémoires et la Cinémathèque lui consacre une rétrospective jusqu'au 29 avril 2018.
Ses mots roulent comme les pierres brûlantes de soleil de son pays d'origine, la Grèce. Et sa personnalité est au diapason : immédiatement chaleureuse et enthousiaste. Réalisateur depuis 1965 avec «Compartiment tueurs», Costa-Gavras a connu le succès grâce à deux films politiques, «Z» (1969) et «Etat de siège» (1972), avant de réussir son passage aux Etats-Unis avec «Missing» (1982) et «Music Box» (1989). Sans oublier une poignée de comédies dont «Conseil de famille» (1986), avec un Johnny Hallyday en forme olympique.
Vous publiez vos Mémoires à 85 ans. Pourquoi pas plus tôt ?
On m'avait souvent proposé ce genre de livre mais en partant d'une longue interview avec un journaliste. J'avais fait un vague essai et cela n'a pas marché. Je n'étais pas à l'aise. J'ai fini par décider d'écrire moi-même ce qu'a été ma vie.
Cela a-t-il été facile ?
Aujourd'hui, je me sens un peu vidé, c'est vrai. J'ai l'impression de flotter. Mais je n'ai pas eu trop de mal à me replonger dans le passé. Je suis parti de personnages, de rencontres, et ma mémoire s'est mise à fonctionner de manière claire, avec une acuité qui m'a étonné.
N'avez-vous pas eu la tentation de mettre en scène le passé ?
Non, j'ai pris toutes les précautions nécessaires pour ne pas me mettre toujours en avant, pour ne pas me glorifier. J'ai recherché la vérité du moment, en m'appuyant sur des notes prises alors et sur des archives.
On découvre comment le jeune étudiant désargenté que vous étiez a pu entrer dans le monde du cinéma. Etait-ce un rêve ?
Jamais je n'aurais pu imaginer devenir metteur en scène. Je suis venu en France pour être étudiant et j'ai pu faire l'Idhec (école publique de cinéma, NDLR). Je lisais beaucoup. J'ai ensuite fréquenté assidûment la Cinémathèque et trois salles du Quartier Latin. C'était mes refuges ; j'étais insatiable. J'ai eu la chance extraordinaire de rencontrer des personnes qui m'ont aidé à devenir assistant.
Parmi les réalisateurs avec lesquels vous avez travaillé, qui a le plus compté ?
Je citerais René Clément pour sa formidable capacité technique à transposer sur écrans les images les plus fortes et Jacques Demy pour sa manière tout en douceur de mettre en scène, à l'écoute de l'équipe et des acteurs.
Quels comédiens vous ont le plus marqué ?
Jack Lemmon, Yves Montand et Gad Elmaleh, qui s'est laissé complètement aller dans «La Capital», loin de l'image qu'on avait de lui.
Et Johnny ?
Avec lui, cela s'est aussi très bien passé. Je lui ai proposé quelque chose de très différent et il a accepté tout de suite. Avant, pendant et après le tournage, il s'est montré d'une grande simplicité. Il m'avait juste fait comprendre qu'il n'aimait pas les grandes tirades.
A-t-il raté sa carrière d'acteur, contrairement à Montand ?
Il n'a pas fait les choix qu'il fallait, se laissant tenter par des rêves de films d'action et de science-fiction. Il était si bon dans le registre de la comédie ! Et avec la gueule qu'il avait, il remplissait l'écran.
Et Romy Schneider, dans «Clair de femme» ?
J'aime ce film car c'est une histoire d'amour tout à fait particulière. Une phrase de Romain Gary en résume le thème dès le début : «Il faut profaner le malheur». Et dans le film, Romy et Montand vivent un malheur épouvantable dans une sorte d'ivresse. La première fois, Romy m'a demandé : «Tu fais ce film pour moi ou pour Montand ?» J'ai répondu : «Pour vous deux, bien sûr». S'en est suivie une relation affectueuse et forte ponctuée de petits mots qu'elle m'envoyait chaque jour.
Propos recueillis par Jean-Marc Le Scouarnec
o0o o0o o0o
Rencontres avec Costa-Gavras vendredi 6 avril à 19 heures à la Cinémathèque (69, rue du Taur), suivi de la présentation de « Z », et samedi 7 à 17 heures à la librairie Ombres Blanches (3, rue Mirepoix), Toulouse. Mémoires et coffret DVD
Les Mémoires de Costa-Gavras, «Va où il est impossible d'aller» (Seuil, 520 pages, 25€) respirent la passion du cinéma. On y retrouve le Paris de la fin des années 50, l'effervescence de la Cinémathèque selon Langlois, le savoir-faire dans anciens René Clair, Henri Verneuil ou Jean Becker, dont Costa-Gavras fut l'assistant. Une histoire palpitante qu'il fera revivre ensuite comme président de la Cinémathèque française. Le livre est également passionnant quand il aborde les films américains, réalisés eux aussi avec la plus grande liberté. Un coffret DVD d'Arte («Intégrale, volume 2, 1986-2012»), réunit notamment les excellents «La main droite du diable» (sur l'extrême-droite américaine), «Mad City» (sur la mise en spectacle de l'actualité) et «Le couperet» (comédie noire sur le chômage).
Commentaires