Source : La Provence.com - 21 novembre 2016
La dernière fois qu'on avait vu Bénabar sur les planches d'un théâtre aixois, c'était au Jeu de Paume du 17 au 28 mai 2011 dans une pièce de Fabrice Roger-Lacan intitulée "Quelqu'un comme vous", créée au Rond-Point le 3 mars de la même année. Dans cette comédie policière construite un peu comme "Le Limier" d'Anthony Shaffer qui servit de base au film de Mankiewicz, il jouait fort bien aux côtés de Jacques Weber dans une mise en scène assez astucieuse d'Isabelle Nanty.
Vendredi dernier, il nous revenait sur la scène du Pasino pour Je vous écoute, pièce qu'il a coécrite avec Hector Cabello-Reyes. Le chanteur-acteur y incarne un psy qui voit débarquer dans son cabinet un homme le menaçant avec une grenade. Cuisiniste de son état, le terroriste le tient pour responsable du départ de sa femme qui est en fait une de ses patientes. Bénabar est de nouveau mis en scène par une Isabelle Nanty débordante d'astuces décalées.
À ses côtés, David Mora épatant dans le rôle du mari plaqué, comble du cuisiniste, et surtout Sarah Biasini. La fille de Romy Schneider joue une épouse en colère, belle, féline et paumée, forte et faible à la fois qui rêve de Lisbonne et de quiétude. À un moment où le manque de rythme commence à devenir criant, son entrée en scène fait basculer la pièce vers le vaudeville amusant et touchant. Si le mari se trouve alors dans le placard, ce n'est pas pour raison de coucheries à la Feydeau, mais pour ne pas être vu ici par celle qu'il continue d'aimer.
Bien construite la pièce où l'on verra comment être Sarthois demeure synonyme d'ennui abyssal, (le syndrome Fillon, originaire lui aussi de cette région ?), offre une dernière partie assez inattendue qui permettra au psy claustrophobe de livrer à tous les raisons de ses angoisses, et de sa profonde mélancolie.
Bien sûr nous ne sommes ni chez Ionesco, Lacan, Brecht, Roger-Lacan ou autres auteurs qui développent plus en profondeur les thématiques exposées et vont plus loin dans l'analyse. Mais nous passons un excellent moment, pas prétentieux et très divertissant, qui propose néanmoins en filigrane une très subtile réflexion sur la lutte des classes. Un peu comme dans Quelqu'un comme vous d'ailleurs... Seul hic, qui râlerait d'avoir loupé cette pièce à Aix devra aller au moins jusqu'à Mérignac pour la voir, car la représentation prévue hier au Silo marseillais a été annulée.
Jean-Remi Barland
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