Source : Le Monde.fr - 17 février 2017
Mort dans la nuit du mardi 16 février 2016 des suites d’un cancer récemment déclaré, le réalisateur polonais Andrzej Zulawski laisse derrière lui le souvenir d’un artiste de la passion, qu’il représenta avec tous les excès dus à ce sentiment, de manière violente, perverse, éruptive, volcanique, « hystérique » pour trancher le mot. Cela lui fut reproché, cela lui fut aussi bien compté comme le signe de l’élan emporté, sans demi-mesure, parfois manichéen, romantique en dernier ressort, qui le poussait personnellement vers les choses de la vie, et notamment vers son art.
Il était né le 22 novembre 1940 à Lvov, dans une Pologne dépecée, en pleine seconde guerre mondiale. Cette petite enfance est particulièrement rude : massacres permanents, privations et humiliation, une sœur cadette qui mourra de faim. Grâce à son père, écrivain, diplomate en poste notamment à Paris, puis délégué polonais à l’Unesco, l’après-guerre réserve au jeune garçon un sort plus enviable, puisqu'il alterne les séjours entre la Pologne et la France, au point de passer son bac dans notre pays et de se former au cinéma à l’Idhec, ainsi qu’en philosophie à la Sorbonne, avant de retourner en Pologne travailler avec l’un des grands maîtres du cinéma national, Andrzej Wajda, comme assistant sur plusieurs films, dont "Samson" (1961). Une version vénéneuse du ménage à trois
Jeune homme doué et désireux de rattraper le temps perdu de la guerre, Zulawski est également critique de cinéma et écrivain. Ses premiers ennuis avec la censure commencent avec son roman "Kino" (Cinéma). Ce ne seront pas les seuls. A l’instar des principaux représentants d’un nouveau cinéma polonais qui rue dans les brancards tant esthétiques que politiques (Roman Polanski, Jerzy Skolimowski), Zulawski se heurte de nouveau à la censure avec ses deux premières réalisations, "Troisième partie de la nuit" (1971) et "Le Diable" (1972). Les deux films entremêlent déjà violemment une situation d’aliénation politique (respectivement la Pologne occupée par les Nazis durant la seconde guerre mondiale et par les Prussiens en 1793) à une situation de déraison personnelle. Et, comme ses jeunes et talentueux aînés, qui ont rapidement choisi l’exil, c’est plus qu’il ne lui en faut. Il s’installe évidemment à Paris. Où il ne tarde pas à connaître la consécration avec "L’important c’est d’aimer" (1975), adaptation du roman de Christopher Frank, "La Nuit américaine". Romy Schneider en actrice tourmentée, Jacques Dutronc en mari mélancolique et faible, Fabio Testi en amant photographe et manipulateur, feront grande impression sur les spectateurs dans cette version vénéneuse et mélancolique du ménage à trois, d’ailleurs interdite aux moins de dix-huit ans. [...]
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