Source : AlloCiné - 22 novembre 2015
Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois étonnante, dévoilant aussi quelques fois les coulisses d'un film... Cette semaine, c'est Romy Schneider qui évoque son partenaire Alain Delon sur "La Piscine".
Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois étonnante, lucide, cruelle, drôle, émouvante, dévoilant aussi quelques fois les coulisses de la création d'un film, l'humeur de l'intéressé(e)... Tous les 15 jours, en partenariat avec le site DesLettres.fr, nous vous proposerons une lettre sur la thématique du cinéma.
Après Jean Renoir il y a 15 jours, c'est au tour de l'immense Romy Schneider de poursuivre le bal des correspondances. En 1968, alors qu'elle n'a pas tourné depuis longtemps, elle revient en France pour jouer dans le film de Jacques Deray, "La Piscine". L’acteur qui doit jouer à ses côtés n'est nul autre que son ex-fiancé, Alain Delon. Dans cette lettre pleine d'enthousiasme, elle confie à son amie scénariste et réalisatrice Christiane Höllger les anecdotes des premiers jours de tournage...
Par Olivier Pallaruelo
en partenariat avec DesLettres
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Source : Des Lettres.fr
Lettre de Romy Schneider à son amie, Christiane Höllger
23 août 1968
Tes lettres me font toujours un immense plaisir, alors je t’en prie, une par semaine ! Cela fait du bien ! Le travail, j’ai presque scrupule à le dire – est sensationnel ! – je suis libre comme jamais encore (sauf avec Orson Welles) et Delon se conduit très «correctement» (et ce n’est pas une blague) donc il ne me reste qu’à espérer que l’ambiance ne changera pas. J’ai assisté, ce soir, à une première projection de rushes – tout est ok – j’ai belle allure, surtout en bikini noir, dans l’eau – je suis bien bronzée – encore plus !
Pendant la projection, Delon ne cessait de brailler – Oh, ce qu’elle est belle cette femme – cette fille – ma foi, les autres ont jugé aussi que j’étais belle – qui ne s’entendrait dire cela avec plaisir ! Caméraman 1er classe, le metteur en scène me plaît beaucoup aussi – qu’il soit capable de diriger des acteurs, je ne m’en suis pas encore bien rendu compte – ce n’est pas Kazan, mais avant qu’il essaie de le devenir, mieux vaut qu’il nous laisse faire… c’est plus intelligent et il est loin d’être sot – de plus, on ne trouve pas un seul débutant dans sa distribution. Ces derniers jours nous n’avons pas beaucoup tourné – mais à présent, ça va démarrer.
On a déjà commencé par une sacrée séance de pelotage – sans dialogue – et ça m’a l’air «bien excitant» (autant que je puisse juger par la projection d'aujourd'hui) ; pas gratuit, ni bon marché. Alain n’a pu s’empêcher de faire ses habituelles remarques spirituelles ; au passage de cette scène, mais peut-être était-ce très bon (si c’était intentionnel ; bien des attitudes sont, chez lui, parfaitement innocentes, même lorsqu'elles paraissent animées d’intentions) – cela me rappelle le bon vieux temps, etc., et autres idioties qu’il a été incapable de garder pour lui au moment où je m’allonge contre lui ruisselante et en bikini – je n’ai d’ailleurs pas tardé à prendre un coup de froid – au ventre – et je plonge, et je ressors de cette piscine, je ne sais combien de fois – tu parles d’un boulot ! – tu sais, tout n’est pas toujours moche et je voudrais que tu sois une petite souris ; tu pourrais te régaler au spectacle de ce cirque.
Ce rôle me plaît énormément et je le joue à fond de la manière dont je me représente cette Marianne – et c’est tout – et c’est beaucoup car il y a peu de bons rôles, alors tu penses que je vais exploiter cette veine ! L’équipe est sensationnelle – tous charmants – alors viens vite – Tu peux écrire et venir me voir sur place, je le voudrais bien – mais pas par vanité ! -ma Christiane – je ne réussirai jamais à tout t’écrire et il faut que je te raconte…
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