Source : MidiLibre.fr - 12 janvier 2015
Présentée comme la pièce testament de William Shakespeare, "La tempête" mise en scène par Christophe Lidon terminera sa tournée par deux ultimes représentations à Alès. L'occasion de rencontrer Dominique Pinon, acteur fétiche de Jean-Pierre Jeunet au cinéma (de "Delicatessen" au "Fabuleux destin d'Amélie Poulain") et comédien de théâtre reconnu (Molière 2004 du meilleur acteur) pour un entretien.
Pouvez-vous présenter cette pièce ?
C'est la dernière attribuée à Shakespeare et qu'on présente souvent comme une pièce testament. C'est un conte, c'est une fable sur le pouvoir, pas seulement politique, celui du théâtre aussi. Le personnage central, Prospero, joué par Alain Pralon (sociétaire de la Comédie française qui remplace Claude Rich, souffrant, NDLR), est un homme qui a été déchu de son pouvoir par son frère et qui se retrouve exilé sur une île dont le seul occupant est Caliban, l'un des personnages mythiques de Shakespeare, que je joue. Il est le fils d'une sorcière et je le trouve très attachant. Il est maléfique, esclave de Prospero, mais la manière dont la pièce est montée rend les choses beaucoup moins manichéennes...
Le genre que vous aimez défendre...
Oui, peut-être... Enfin, j'aime défendre toutes sortes de personnages. En plus, il y a en Caliban quelque chose de physique qui me plaît beaucoup dans ce personnage. Et puis j'aime le défendre parce qu'au départ, c'est vrai que ce n'est pas évident.
La pièce comporte beaucoup d'humour.
Absolument ! Dans Shakespeare, il existe toujours de l'humour. Même dans ses tragédies. C'est ça qui les différencie avec les tragédies à la française... Dans Le roi Lear ou Richard III et d'autres, il y a toujours, bien sûr, un côté extrêmement dramatique mais aussi un côté charnel, "farcesque" (sic !), burlesque. Celle-là de pièce est beaucoup plus... je ne dirais pas plus douce, mais elle dégage beaucoup plus de compassion pour l'homme. Prospero, son personnage principal, c'est un peu Shakespeare lui-même. Vous verrez bien comment se termine la pièce, avec une adresse au public qui est très belle...
Shakespeare, que vous avez beaucoup joué, est un auteur particulier ?
Oui... Parce que j'y trouve matière à jouer ! Enfin, particulier, non... mais c'est un bon auteur de théâtre (rires). J'ai joué autre chose mais je suis content d'y revenir.
Justement, on vous connaît au cinéma mais vous avez énormément joué au théâtre, ce qu'on sait peut-être moins...
Ces dernières années, j'ai pas mal joué... J'ai même eu un Molière il y a dix ans. Ce sont les circonstances du métier... Je vais là où on me désire. On m'a appelé pour faire de très belles choses au théâtre donc j'y suis allé. Et en ce moment, je répète Les lois de la gravité, que je jouerais à Paris début février, une adaptation d'un roman de Jean Teulé. Un joli texte d'un homme, passionné, éclectique, que j'ai appris à connaître à la foire du livre de Brive où nous avons fait un après-midi poésie...
Ne pas vous voir autant désiré au cinéma, ou confiné dans certains rôles, n'est-ce pas une forme d'injustice ?
Non ! Je n'ai pas ce sentiment. Le mot est un peu fort... C'est vrai qu'en France on a un peu tendance à mettre les gens dans des tiroirs... L'essence même de ce métier, c'est d'aller là où on n'irait pas forcément. Moi, j'ai envie de faire de belles choses... Mais il faut surtout être désiré... C'est vrai, le théâtre m'a mieux servi que le cinéma, mais, pour moi, c'est le même métier...
Commentaires