Source : Rmt News International - 1er décembre 2014
Dans cette comédie-féerie qui peut être considérée comme l’adieu de Shakespeare au théâtre et qu’on s’accorde à désigner, avec Hamlet, comme un sommet de l’esprit humain, le poète s’abandonne sans contrainte au jeu de son imagination, repoussant toute subordination au monde réel.
La pièce met en scène Prospero, Duc de Milan,chassé de ses états par son frère Antonio. Avec sa fille Miranda, il a abordé dans une île mystérieuse où il est devenu une sorte de magicien illusionniste. Il y a asservi le monstre Caliban qui avait tenté de lui ravir sa fille, et a fait d’Ariel, gracieux lutin ailé, génie de l’île, son ami. Obéissant à Prospero, Ariel déchaîne une tempête qui jette sur les rivages de l’île Ferdinand, le fils d’Antonio, avec un groupe de naufragés dont le Roi de Naples Alonso et son frère Sébastien. Des actes gratuits, des complots politiques vont se tramer puis échouer. Fernando et Miranda vont s’aimer, le jeune homme va surmonter les épreuves auxquelles le soumet Prospero qui finira par renoncer à sa vengeance et à ses pouvoirs de mage.
Il y a lieu de remarquer encore que c’est à partir d’un immense bric à brac de faits divers et de fables romanesques que Shakespeare a fait cette pièce, ordonnant en un tout harmonieux le potentiel dramatique qu’il pouvait en extraire.
La mise en scène de Christophe Lidon, qui est aussi le remarquable adaptateur du texte, réussit ce tour de force de mettre en valeur tous les aspects de cette tragi-comédie féerique à partir d’une direction d’acteurs exemplaire.
Après la scène initiale de la tempête qui fait évoluer les acteurs en costumes du XVIème siècle dans la salle, le rideau se lève sur la grotte de Prospero, plateau circulaire tournant avec mur écran en forme de rocher sur lequel les images vidéo vont jouer de temps à autre, leur rôle magique (décor de Catherine Bluwal).
Alain Pralon, de la Comédie Française, incarne un Prospero enchanteur et devin qui impose la logique du surnaturel avec une sérénité olympienne. Sarah Biasini (Miranda) se comporte comme une ingénue timide puis audacieuse. Dominique Pinon, en Caliban aborigène hideux, se traîne comme un monstre de foire rongé par un sentiment d’infériorité. Les deux bouffons qu’il accueille, Trinculo et Stefano, créent une atmosphère insolite de commedia dell’arte. L’invisible Ariel, dans un esprit de gratuité et de jeu, adopte un comportement d’enfant espiègle et cruel. Quant aux princes et seigneurs, ils ont tous quelque chose de hautain et d’inquiétant qui irradie une étrange poésie,en particulier lorsqu’ils défilent dans la dernière scène, dans une parabole d’aveugles.
On ne ressent aucun moment d’ennui pendant ce spectacle, création du CADO d’Orléans, qui dure deux heures et participe du plaisir du théâtre. L’accueil enthousiaste du public du Toursky récompense chaleureusement cette troupe brillante qui sert à merveille ce chef d’oeuvre du répertoire anglais.
Ph. Oualid