Source : That Much - 03 avril 2014
Trois choses à retenir de "Bash" : son auteur, Neil LaBute, et ses deux acteurs, Benoit Solès et Sarah Biasini. Ou trois bonnes raisons d’aller voir la pièce.
Bash a le parfum de la provocation. Une odeur de soufre familière à Neil LaBute tant ses oeuvres sont cinglantes depuis The Mercy Seat sur les attentats du 11 septembre jusqu’à Reasons to be pretty qui dénonce le culte de l’apparence au sein de la société américaine. En 2009, le dramaturge américain s’est expliqué sur cette addiction aux histoires fortes dans le New York Times : «Ecrire est un exutoire, je cherche les meilleures répliques, celles qui ne me viendraient pas à l’esprit en situation réelle. J’ai une liberté et un courage dans mes écrits que je n’ai pas au quotidien»[1].
Aguerri aux «mots qui font mal» par un père dont il dira avoir été maltraité enfant, Neil LaBute s’est façonné à travers le théâtre et la doctrine mormone. Une combinaison qui ne perdurera pas : après avoir salué ses premières oeuvres, l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours se désolidarise de LaBute lorsqu’il met en scène Bash et ses mormons assassins.
Car "Bash" est trash. A travers trois monologues, ce sont des histoires de meurtres non prémédités que l’on nous raconte. Dans le premier, un honnête homme sacrifie sa fille dans un élan matérialiste. Dans le second, une femme raconte comment elle se venge d’un ancien professeur avec qui elle a entretenu une liaison alors qu’elle n’avait que treize ans. Enfin, un homme fraîchement fiancé cède, sous l’emprise de l’alcool et au nom de l’homophobie, à ses pulsions les plus noires. Le ton est donné… Bash appartient au champs lexical de la violence et signifie «coup de poing», «frapper». C’est l’illustration de cette seconde où tout bascule et où rien n’est jamais plus pareil. Le dénominateur commun à ces trois tableaux est l’absence de punition. Chaque protagoniste vit avec son histoire, sans même avoir la décence de la repentance. Ils se racontent avec le détachement adopté lorsque quelque chose d’invraisemblable frappe le quotidien de nos existences.
Sur le plateau, Benoit Solès et Sarah Biasini portent avec brio les mots de LaBute. Le premier est un boulimique de théâtre, passé par Plus Belle la Vie et actuellement conseiller municipal dans le 3ème arrondissement de Paris (team NKM). La seconde a les traits de sa mère, Romy Schneider, et s’affirme sur les planches, saison après saison, tentant de dépasser l’étiquette «fille de» qui lui colle à la peau. Si les médias ont fait la part belle à cette filiation, le temps est pourtant venu de l’oublier pour ne plus s’intéresser qu’à l’artiste. Car sur scène, Sarah Biasini se livre dans un naturel confondant et avec une intensité qui donne des frissons.
Le binôme fonctionne à merveille et pendant une heure et demi, la tension inhérente aux différents récits va crescendo. Le spectateur est laissé seul juge des méfaits de ses pairs. Entre compassion et écoeurement mon cœur a vacillé tant les portraits dressés par Neil LaBute sont à la fois méprisables et terriblement… humains. Qu’aurions-nous fait à leur place ? A cette question impossible, un seul remède : foncez vous livrer à une séance de bashing au théâtre 14.
S. Maurin
[1] http://www.nytimes.com/2009/03/29/magazine/29LaBute-t.html?pagewanted=all&_r=0
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