Article intérieur : * Sarah Biasini : "La complicité avec Romy me manque" 8 pages |
Source : Paris Match.com du 27 février 2014
Sarah Biasini : "La complicité avec Romy me manque"
Dans un entretien sans tabou, la fille de la star livre ses doutes de jeune comédienne, ses chagrins et aussi son goût du bonheur.
Paris Match : Depuis quelques saisons, vous vous affirmez au théâtre dans des rôles forts. Après “Lettre d’une inconnue”, d’après l’oeuvre de Stefan Zweig, vous voici dans “Bash”, de Neil LaBute…
Sarah Biasini : J’y interprète deux femmes différentes, deux héroïnes de faits divers qui ont commis un crime pour lequel elles ne sont pas encore jugées. Au départ, je trouvais la pièce tellement violente que j’ai hésité à l’accepter. Mon partenaire, Benoît Solès, m’a convaincue en me parlant une heure au téléphone. Heureusement, j’arrive à m’amuser avec mes personnages “borderline” en leur apportant une bonne dose d’humour grinçant.
Paris Match : N’est-ce pas l’exposition permanente dans laquelle a vécu votre mère qui vous fait préférer la scène ?
Sarah Biasini : Je ne crois pas. Mais il faut dire qu’au théâtre on éprouve une telle montée d’adrénaline, une sensation de saut dans le vide si vertigineuse qu’il est difficile de s’en passer. Dans la vie aussi, je n’aime que les sensations fortes. Je peux être très heureuse ou très malheureuse. Très confiante ou pas du tout. Je ne suis pas vraiment tiède, et en plus, cela se voit sur mon visage. J’ai du mal à cacher ce que je ressens.
Paris Match : Vous avez été élevée à Saint-Germain en-Laye par votre père et vos grands-parents paternels, des gens dont vous êtes toujours proche… Vous leur posiez des questions sur votre mère, votre frère ?
Sarah Biasini : J’avais 4 ans et demi quand ma mère est morte, mais je n’avais pas besoin de poser de questions. Mes grands-parents m’abreuvaient de souvenirs. J’avais peur qu’ils se mettent à pleurer, mais ils arrivaient à m’en parler sans larme et j’étais fascinée par leur force morale. Leur capacité à évoquer ma mère et mon frère avec naturel était assez désarmante. C’est très délicat de parler à un enfant de gens qui ne sont plus là.
Paris Match : Il vous arrivait de regarder les films de votre mère ?
Sarah Biasini : Petite, j’ai vu tous les “Sissi”, toutes ses bluettes. Ensuite, je les ai revues un peu moins souvent, car cela devenait aussi ambigu qu’émouvant. Ce n’est pas simple de se détacher au point d’oublier qui l’on regarde. Je ne peux pas passer un flm entier à n’observer que son savoir-faire. C’est un plaisir qui peut vite se transformer en mélancolie et me rendre triste. J’ai beaucoup de mal à regarder “L’important c’est d’aimer”, qui me met mal à l'aise, et à la reconnaître dans “La passante du sans-souci”, où elle n’était plus elle-même, dévastée par la douleur d’avoir perdu mon frère et de devoir jouer avec un petit garçon. Mais elle s’était engagée à faire le flm et elle était une femme de parole.
Paris Match : Chez vos grands-parents, quel genre de petite fille étiez-vous ?
Sarah Biasini : J’étais une enfant plutôt épanouie. Curieusement, quand on perd sa mère très jeune, ce n’est pas au cours des premières années que l’on souffre le plus. Entre 5 et 15 ans, je ne ressentais pas grand-chose. J’étais très entourée et une relation mère-fille s’était établie entre ma grand-mère et moi. Le manque véritable vient beaucoup plus tard. C’est un manque différent mais plus sensible. Celui de la relation entre deux femmes. Ne jamais avoir connu cette complicité, rigoler ensemble, c’est cela qui me manque le plus.
Paris Match : En grandissant, avez-vous envisagé, à un moment, de devenir actrice ?
Sarah Biasini : Surtout pas ! Il ne fallait pas me parler de cela, à tel point que j’envoyais balader ceux qui se risquaient à me poser la question ! Je crois que, inconsciemment, je me l’interdisais. Après mon bac, j’ai étudié à la fac pour devenir restauratrice d’objets d’art. Dans ce cadre, j’ai d’ailleurs fait un stage à Florence qui m’a passionnée. En même temps, je ressentais en moi une certaine frustration. Jusqu’au jour où mon père m’a dit : “Si tu avais une baguette magique, tu ferais quoi ?” Je me suis répondu en moi-même : “Je prendrais des cours de théâtre.” J’avais 22 ans et je me suis inscrite au Lee Strasberg Theatre & Film Institute, à Los Angeles, où habitait mon oncle. J’avais réussi à ouvrir une porte que je m’obstinais jusqu’alors à laisser fermée.
Paris Match : Pourquoi être partie si loin ?
Sarah Biasini : Pour être peinarde, me donner le droit d’être mauvaise sans être montrée du doigt : “Tiens, c’est la fille de Romy !” Je voulais être libre d’apprendre.
Paris Match : Cela vous agace qu’on vous rappelle sans cesse cette filiation ?
Sarah Biasini : Oui et non, parce qu’il y a souvent beaucoup d’amour et de respect. Mais quand on a un parent disparu, on n’a pas forcément envie de tout savoir. Il arrive qu’on m’arrête dans la rue pour me dire : “Vous êtes la fille de Romy Schneider, n’est-ce pas ?” Et je réponds : “Non !” “Vous en êtes sûre ?” “Complètement sûre !” [Rires.]
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"RÉUSSIR MA VIE PRIVÉE EST LA CHOSE LA PLUS IMPORTANTE.
JE SUIS CAPABLE DE TOUT OUBLIER POUR UNE HISTOIRE D’AMOUR"
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Paris Match : Plus de trente ans après sa mort, votre mère n’en finit pas de susciter des confidences de personnes qui, pour certaines, l’ont très peu connue.
Sarah Biasini : Je m’insurge contre ce personnage fabriqué par des gens qui n’ont fait que la croiser et qui se répandent en la dépeignant comme une femme toujours malheureuse, quand ce n’est pas une nymphomane ou une alcoolique. La vie, ce n’est pas ça. Ce sont des fous rires et des pleurs. Elle a juste vécu en connaissant des joies immenses et des peines abyssales. Mes grands-parents l’ont côtoyée pendant dix ans. Chaque dimanche, à la table familiale, elle riait avec tout le monde autour du gigot avant de jouer aux cartes ou de regarder un Grand Prix de formule 1. En même temps, je sais qu’être sa fille ne me donne pas beaucoup de crédibilité pour raconter sa vérité. On dira toujours que je suis de parti pris.
Paris Match : Vous-même, avez-vous gardé des souvenirs de ces moments-là ?
Sarah Biasini : Plutôt des flashs. J’étais si petite ! Des souvenirs de jeux avec mon frère... Petite, je ressentais qu’il y avait une particularité dans ma famille, qu’on portait à ma mère une attention spéciale.
Paris Match : Votre grand-mère maternelle, l’actrice Magda Schneider, s’est-elle aussi occupée de vous ?
Sarah Biasini : Oui, mais je la voyais moins souvent. Elle vivait en Allemagne, à Berchtesgaden. On a beaucoup parlé, après la guerre, de sa proximité avec des dirigeants du régime nazi. Certains ont même affirmé qu’elle aurait été un temps la maîtresse de Hitler. N’importe quoi ! Encore un de ces fantasmes qui m’exaspèrent ! Cela dit, ma mère s’est posé des questions sur l’attitude de sa mère pendant la guerre. Cela la perturbait beaucoup. Ces questions, je me les suis posées aussi. Mais que pouvons-nous y faire ? Devons-nous porter une culpabilité qui n’est pas la nôtre ? Ce qui est sûr, c’est que, pendant la guerre, en Allemagne, il y avait deux catégories d’artistes. Ceux qui partaient et ceux qui restaient. Marlene Dietrich est partie. Ma grand-mère est restée. Ça, c’est un constat.
Paris Match : En voyant aujourd’hui la jeune femme rayonnante que vous êtes devenue, après avoir traversé les épreuves qui ont été les vôtres, on se dit en tout cas que la vie est toujours la plus forte…
Sarah Biasini : Je crois avoir un bon instinct de survie ! Quand on perd à la fois son frère et sa mère, il y a forcément un espace vide que l’on n’arrive pas à combler. Une partie de vous est attirée vers la mort, d’où une tendance à la dépression. Pendant des années, j’ai essayé de m’en sortir toute seule. Mais il y a un moment où l’on n’y arrive plus, où il faut parler à quelqu’un. Les manques sont là, il faut essayer de transcender les choses, apprendre à se remplir de ce vide, se construire sans les murs. En même temps, c’est intéressant d’avoir des singularités, ça fait de vous quelqu’un d’unique.
Paris Match : Vous avez fait une analyse ?
Sarah Biasini : Oui, pendant trois ans, et elle m’a sauvé la vie ! Elle m’a permis de mieux comprendre certaines de mes réactions. Longtemps, j’ai eu tendance à croire que les gens étaient mauvais par essence. J’étais pleine d’a priori négatifs, toujours très critique sur mes semblables. Maintenant, je suis beaucoup plus détendue et j’ai gagné en légèreté. Je suis également devenue experte en pas mal de domaines, comme le manque de mère, la dépression, le deuil d’un enfant, et j’ai pris du recul.
Paris Match : Etes-vous amoureuse ?
Sarah Biasini : Oui. Je me sens prête à avoir des enfants même si je me suis souvent demandé si ce n’est pas un acte égoïste, avec des interrogations du type : “Serais-je à la hauteur pour être une bonne mère ?” Désormais, j’ai compris qu’avant de donner la vie, il fallait se débarrasser de ses propres névroses pour ne pas les transmettre.
Paris Match : Le jour où vous deviendrez maman, pourriez-vous envisager d’arrêter le métier ?
Sarah Biasini : Réussir ma vie privée est pour moi la chose la plus importante, et je suis capable de tout oublier pour une histoire d’amour. Il est très possible que lorsque j’aurai des enfants, je mette ma carrière entre parenthèses pour me consacrer à eux. Je m’imagine très bien dans une maison, à la campagne, en train d’écrire et de faire des confitures.
Maquillage : Malka Braun. Coifure : Cyril Auchère. Stylisme : Jérôme Tiercelet. L.K.Bennett, Bally, Nao do Brasil, Patrizia Pepe, Vince Mode-B, Arthus-Bertrand, Hugo Boss, Etro.