Source : Vanity fair.fr - 19 janvier 2014
Par Michel Denisot
Dutronc, je le connais depuis longtemps. Trente-cinq ans, peut-être. Nous sommes de la même génération. C'est quelqu'un à part, un homme soucieux par-dessus tout de sa liberté et sérieux dans ce qu'il fait. A une époque, on se voyait souvent à Paris dans un restaurant corse, le Vivario. On y passait de longs déjeuners. Avec sa bande de copains – les serveurs du resto -, Jacques avait créé les ballets du Vivario. Des serveurs du resto avec leur balais…
C’était à l’époque de sa chanson «Merde in France». Vous vous souvenez ?
Depuis pas mal de temps, Jacques ne bouge plus de sa maison de Monticello, en Haute-Corse. Il ne veut pas prendre l’avion, ni de jet privé. Il acceptait encore de prendre le Napoléon, le bateau qui faisait la traversée avec le continent, mais il est hors-service… Alors pour voir Jacques, il n’y a pas d’autres solutions que d’aller à sa rencontre… Quand je l’ai appelé pour lui proposer d’évoquer Romy Schneider – un sujet enfoui depuis quarante ans -, il m’a tout de suite dit ‘oui’. Autant pour qu’on se voit que pour les besoins de l’article.
A mon arrivée, c'était plutôt "L'important, c'est d'aimer... Boire un verre..."
Je suis arrivé en Corse un après-midi de décembre. A l’aéroport, j’ai été accueilli par Lucien, un ami de Jacques, chauffeur de taxi occasionnel.
Jacques a toujours autour de lui son «gang», au sens noble du terme : des amis qui l’entourent, qui le protègent et le vénèrent… Des vrais de vrais. Des personnalités que Jacques aime tout autant.
En arrivant dans sa maison de Monticello, on n’a pas parlé d’emblée de Romy Schneider et de L’important c’est d’aimer, le premier film français d’Andrzej Zulawski, en 1975.
Non, au début, ce jour-là, c’était plutôt «L’important c’est d’aimer… boire un verre…»
Car chez Jacques, on est toujours bien reçu. On a attaqué avec une bouteille de Conseillante, un pomerol. Le vin était bon, mais 2007, ce n’était pas la meilleure année. Jacques trouvait qu’il sentait l’eau de mer, « sans doute parce qu’il est venu en bateau… ». Comme toujours, avec Jacques, on oscille entre le 2e, le 3e, le 4e degré ou même 13,5 degrés...
On a donc continué avec le même vin, mais avec une meilleure année : 2009…
Notre discussion cheminait. Je ne sais plus pourquoi on en est même venu à parler de la tendance hollywoodienne au blanchiment d’anus – l’anal bleaching, dont un célèbre acteur américain serait l’adepte... Mais passons.
Pour Jacques Dutronc, le tournage était fini, l'histoire aussi.
Vers 18 heures, quand la nuit tombait, Jacques a commencé à me parler de Romy Schneider. Il fumait le cigare, les yeux toujours masqués derrière ses lunettes aux verres fumés.
C’est stupéfiant de voir à quel point il a gardé un souvenir extrêmement précis de L’important c’est d’aimer – il en connait encore les dialogues. «Je me suis mal conduit à la fin avec Romy», me confiera-t-il.
Durant le tournage, qui fut long, il n'y avait plus de différence entre le film et la vie. Les sentiments de Romy Schneider pour lui allaient bien au-delà du tournage, mais pour Jacques, tout s'est arrêté après le clap de fin. Le tournage achevé, l’histoire aussi.
Jacques s’en explique dans l’entretien que vous lirez dans ce nouveau numéro de Vanity Fair. Dans cette affaire, il a été extrêmement élégant, n’essayant jamais de se donner le beau rôle.
Le soir, on a dîné d'une bonne soupe de châtaigne.
Le lendemain matin, il faisait très beau. Nous nous sommes installés sur deux petits fauteuils, dans son jardin extraordinaire. Nous bougions nos fauteuils pour suivre le soleil. On ne parlait pas beaucoup. Pas besoin. Un moment très agréable. Je suis reparti après le déjeuner. Lucien m'a ramené à l'aéroport. Il m'a regardé et m’a dit, avec son accent typique : "Ici, on aime beaucoup Jacques Dutronc. Il ne faut pas y toucher…"
Retrouvez notre récit exclusif "Romy Schneider, son amour secrète avec Jacques Dutronc" dans le numéro 8 de Vanity Fair, en kiosque mercredi 22 janvier 2014.
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