La vénération de Claude Sautet pour Romy Schneider crève l’écran ; l’art avec lequel le scénariste Jean-Loup Dabadie raconte les histoires - dont celle-ci - est légendaire.
Le cinéaste et son scénariste dînent chez l’actrice pendant l’écriture d’Une histoire simple, dont Romy a eu le privilège (merci Sautet !) de lire les premières pages. Début du repas, «visage glacial et voix très douce», Romy lâche : «En somme, c’est Vincent, François, Paul et les autres au féminin ! Une décalcomanie, mais avec des femmes». Piqué au vif, Dabadie lâche «Et alors ?» Romy poursuit : «Un soir, en dansant, Claude m’avait promis un film pour moi toute seule. Pas avec Françoise, Josette, etc...» Intervention de Graziella, l’épouse de Sautet : «ça alors, première nouvelle, tu sais danser Claude ?» Sautet bredouille : «Arrête, arrête, c’est pas ce qu’elle veut dire la cocotte».
"Là, Romy explose, pleure, crie..."
Tentant de cacher son irritation, Dabadie reprend le fil : «Ecoute Romy, le mieux c’est que tu ne lises plus rien, et quand on aura terminé le scénario, tu nous donneras ton avis, en dansant avec Claude ou avec moi». Romy ne lâche pas le morceau : «Et si je refuse de le faire ?» Dabadie s’enfonce : «Au début on sera bouleversés, et après, on fera le film avec une autre actrice !» Là, Romy Schneider explose, elle se lève, jette sa serviette, pleure, crie, sort, on entend une porte claquer, puis une deuxième, et une troisième. Les convives perçoivent des échos de ce qu’elle hurle : «Puisqu’il est interdit d’émettre la moindre réserve sur ce qu’écrit monsieur Jean-Loup Dabadie ! Tout le monde sait que ce monsieur décide de tout ce qui est bon… ! Pardon, oh pardon monsieur Jean-Loup Dabadie !»
Sautet a le nez dans son assiette. Graziella lui suggère d’aller consoler Romy : «Non, non» répond le cinéaste. Daniel Biasini, l’époux de Romy, tente d’arranger les choses, et revient pour dire que l’hôtesse restera dans sa chambre. Reste à Dabadie de quitter l’assemblée en s’excusant, dignement. Quelques mois plus tard, ayant tourné ce film exactement tel que Dabadie l’avait écrit, et pour lequel elle obtiendra le César de la meilleure actrice, Romy envoie un énorme bouquet de roses à son scénariste, avec ces mots : «Merci de m’avoir écoutée».
A lire : "Conversations avec Jean-Loup", par Véronique Dabadie, Ed. Le Cherche midi, 2009.
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