La réalisatrice porte à l'écran pour France 3 un tumultueux roman historique d'amour et de guerre, "Le Général du roi", de Daphné du Maurier.
Entre Nantes et La Roche-sur-Yon, le Logis de la Chabotterie, aujourd'hui musée, reste un haut lieu de l'histoire vendéenne : c'est là que Charette s'était réfugié avec ses derniers fidèles et qu'il fut capturé par le général républicain Travot, le 23 mars 1796. Provisoirement, la Chabotterie a cessé d'être un musée pour redevenir une maison vivante, habitée par une famille de la petite noblesse du XVIIIe siècle: Nina Companeez y tourne pour France 3 Le Général du roi, d'après le roman éponyme de Daphné du Maurier. Une grande histoire d'amour entre deux caractères indomptables, emportés dans la tourmente des guerres de Vendée.
On a enlevé les pièces de collection, mais gardé le mobilier qui fait le charme de la demeure. La caméra parcourt les pièces en même temps que les époques. La voici installée dans la chambre de l'héroïne, Constance (Louise Monot) : lit à baldaquin tendu de toile de Jouy, coiffeuse et table à ouvrage, charmant désordre de jeune fille. On est en 1782, Constance a 18 ans et s'est follement éprise d'un officier de retour d'Amérique, François Denis Brilhac de la Verrerie (Samuel Le Bihan), à la bravoure arrogante et à la réputation sulfureuse. Rose, sa femme de chambre complice, lui apporte un billet de son amoureux. Constance n'a que le temps de le cacher à l'arrivée de sa mère (Alexandra), qui vient la semoncer: même avec son rang et ses états de service, cet aventurier couvert de dettes n'est pas le bienvenu dans la famille.
L'équipe se transporte dans la salle à manger lambrissée, le temps d'un dîner familial plein d'allusions furtives et de sous-entendus, dont Constance devine vite l'objet : sa mère et son frère aîné ont décidé de la marier promptement au neveu de Brilhac, un jeune homme timide aux dents de lapin…
1793: la famille, réunie dans la chapelle autour d'un prêtre, chante l'hymne Domine salvum fac regem. On vient d'apprendre l'exécution de Louis XVI. Une bannière blanche brodée d'or salue l'avènement de Louis XVII. Constance n'a épousé ni le neveu aux dents de lapin, ni son bel officier, qui lui faisait une cour impétueuse dans le verger, et avait fini par obtenir sa main. Un accident de cheval lui a brisé les jambes, et elle n'a plus jamais voulu revoir l'homme de sa vie. Elle participe aux prières assise dans le fauteuil roulant que lui a confectionné un de ses frères, et d'où elle mènera la résistance.
À présent, Nina Companeez prépare une scène dans le salon, et son œil avisé est autant celui d'une maîtresse de maison raffinée que d'un metteur en scène : il faut meubler ce coin trop vide, devant la grande verdure d'Aubusson, vite, un guéridon, une chandelle, quelques livres. La réalisatrice des "Dames de la côte" aime les maisonnées chaleureuses et les familles nombreuses. Constance, ses sœurs et belles-sœurs prennent place autour d'une table à thé, devant la cheminée, mais la conversation est inquiète. Les hommes font irruption, en pleine discussion. Je veux être impartiale
On est en 1793, et la conscription décrétée par la Convention a marqué le début de l'insurrection paysanne, qui réclame à présent le soutien de la noblesse. «C'est toujours difficile, observe la réalisatrice, de faire le point sur les événements historiques tout en restant dans un dialogue naturel. Les personnages ne doivent pas avoir l'air de donner des informations aux spectateurs.» Comme scénariste, elle a fait un énorme travail de transposition, pour donner un équivalent français au roman de Daphné du Maurier, situé en Cornouailles au temps de la guerre civile menée par Cromwell contre le roi Charles Ier. Mais le défi avait de quoi tenter la réalisatrice de "L'Allée du roi", passionnée d'histoire. «J'adore me documenter, dit-elle. J'ai fait mien le mot de Stanislavski : “Jamais je n'abuserai de l'ignorance du spectateur”».
Les héros historiques n'apparaissent pas, mais on parle d'eux. J'essaie que tout soit aux bonnes dates, même quand les dates ne sont pas mentionnées, et je veux être juste vis-à-vis de l'histoire des Vendéens. Impartiale, aussi : il y a eu des horreurs de part et d'autre. Mais je trouve extraordinaire la spontanéité et la profondeur de leur résistance. À l'annonce de la conscription, le tocsin a sonné et ils se sont levés en deux jours, refusant de s'enrôler pour une République qui leur avait pris leurs prêtres.»
Du bocage au littoral, le tournage se poursuit dans divers lieux de la région, dont la forêt de Grasla, où les Vendéens se cachaient dans les cabanes de branchage d'un village secret. Peu de films ont traité des guerres de Vendée. Pour le 220e anniversaire de l'insurrection, "Le Général du roi" rendra vie à une histoire longtemps occultée.
Marie-Noëlle Tranchant
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