Source : Froggy Delight - 05 août 2012
Réalisé par Andrzej Zulawski. France/Italie/Allemagne. Drame. 1h490. (Sorti le 8 août 2012 - 1ère sortie 1974). Avec Romy Schneider, Klaus Kinski, Jacques Dutronc, Fabio Testi, Claude Dauphin et Roger Blin.
On "fête" ces jours-ci le cinquantième anniversaire de la mort de Marilyn Monroe. C'est à une autre suicidée du septième art qu'on va ici rendre hommage, une autre femme fragile emportée presque de la même manière vers le néant.
En acceptant de tourner "L'important, c'est d'aimer" sous la direction du jeune Andrzej Zulawski, Romy Schneider croit qu'elle va enfin pouvoir prouver qu'elle est une comédienne et non la jolie nunuche autrichienne jouant les partenaires idéales pour les vedettes françaises du moment.
Dans ce film, elle n'est pas confrontée à Delon, ni Noiret, ni Trintignant, ni Piccoli, ni Montand. Elle est face à elle-même, face à son destin, son vrai destin et plus celui d'une petite princesse boulotte bien commode pour ripoliniser l'Autriche d'après Hitler.
En choisissant d'adapter "La Nuit américaine" de Christophe Frank, et de s'associer à l'auteur pour cette adaptation, l'ambitieux Zulawski sait qu'il va devoir se coltiner une armada de clichés, marque de fabrique du futur réalisateur-auteur de "L'Année des méduses", et qu'il n'aura d'autre solution que de les pervertir ou de les sublimer.
C'est ce qu'il va s'employer à faire en tressant au scalpel le portrait d'une actrice déchue tentant de revenir à la lumière au moment où le cinéma se complaît à montrer la chair.
Mais montrer la chair quand la chair est triste de se montrer, ce n'est pas faire se déshabiller une femme brisée pour tourner un porno soft, c'est conduire une puritaine au Golgotha, c'est conduire une Romy Schneider démaquillée au bout d'elle-même.
A-t-elle fait le bon choix en suivant le jeune loup Polonais dans son cinéma de l'extrême, entre fantastique et hyper-réalisme ? Aimant les acteurs, et mieux encore les actrices, il n'a de cesse de les pousser vers l'hystérie et le pathos. Le voyage n'est pas sans risque, même s'il vaudra des Césars à Romy pour ce film-là et à Adjani pour "Possession".
Et puis, ici, Romy est à l'image de Martine Carol dans "Lola Montès" : les hommes l'entourent, la désirent mais ne lui sont d'aucune aide. Il y a bien Klaus Kinski, habitué à Werner Herzog, et qui sait donc ce qu'elle endure. Il y a surtout Fabio Testi, en beau mec vide et Jacques Dutronc, dont on appréciera la merveilleuse absence de jeu. Jamais, à l'exception de Robert Mitchum, on n'avait vu quelqu'un d'aussi capable de ne rien jouer avec une telle intensité dans le détachement.
On ne doit pas cacher que "L'important, c'est d'aimer"a peut-être pris un coup de vieux comme bien des films qui se croyaient modernes à leur sortie. N'empêche, il tient mieux le coup que l'autre "Nuit Américaine".
Sans doute, parce Romy Schneider s'y donne trop à fond. Elle est aussi sincère qu'une mauvaise comédienne. Incapable de se protéger, elle croit à ce qu'elle dit et à ce qu'elle fait. Les mots la touchent et elle les prend pour tragédie comptante et saura hélas s'en souvenir quand le malheur absolu la touchera.
Ce film, cette expérience qui devait la sauver du cinéma français, n'aura donc pas été quelque chose de positif dans la carrière de Romy, car pour se préserver davantage, elle s'enfoncera dorénavant à cœur perdu dans des rôles "faits" pour la star qu'elle est devenue et n'y trouvera pas ce réconfort dont elle avait tant besoin.
Parce qu'on y verra Romy Schneider jouer pour la seule fois de sa longue carrière, parce qu'on y découvrira un Zulawski pas encore prisonnier de sa fausse maîtrise, et parce qu'on y entendra une des meilleures musiques pour le cinéma de l'immense Georges Delerue, "L'important c'est d'aimer" est le film de cet été 2012.
Philippe Person
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