Source : L'orient Le Jour.com - 21 juin 2012
Quand on n’entend parler autour de nous que de prises d’otages, de morts, de violence et de guerre, combien cela doit rasséréner nos cœurs de savoir qu’il reste toujours un coin de poésie dans notre quotidien, des activités de qualité pour tromper la monotonie ! En effet, comme l’ont déjà annoncé Zeina Zalzal et Colette Khalaf dans les pages de ce journal, il y a quelque jours, nous eûmes droit, magistralement écrite de la main du grand Stefan Zweig, à Une lettre d’une inconnue, cette inconnue étant, pour la circonstance, une bouleversante Sarah Biasini, la fille d’une «très connue» Romy Schneider. C’est dans le cadre du Festival du printemps et de la Fondation Samir Kassir qu’il a été possible de donner sur les planches du théâtre Monnot un texte d’une telle subtilité. C’est une déclaration d’une femme déchirée par une passion obsédante, voire délirante, depuis tant d’années. Cette lettre, elle l’adresse à R., romancier viennois. Elle lui raconte cet amour qui a grandi en elle depuis le premier jour où elle l’aperçut, ce jour où elle n’avait que 13 ans, adolescente en proie à une passion qui la consume.
De la petite fille fragile à la femme voluptueuse qu’elle deviendra, elle ne cessera de le chercher, de l’épier et de se jeter dans ses bras sans jamais lui avouer qui elle est, ni ce qu’elle ressent, pour finir par n’être, et elle le sait au fond d’elle-même, qu’une amante oubliée. Cette femme «que tu ne reconnais pas et que tu as tenue tant de fois dans tes bras jusqu’à lui donner un enfant, cet enfant mort 11 ans plus tard» et qui déclenche cette déclaration au seuil de sa propre mort...
Avec cette nouvelle, où le style de Zweig transparaît dans chaque mot, j’ai trouvé que l’auteur pousse encore plus loin l’analyse du sentiment amoureux, de ses ravages, de sa folie et ses délires, nous offrant un cri déchirant, d’une profonde humanité toutefois ; la passion y est absolue, si inconditionnelle, si pure, si fidèle, qu’elle touche au sublime.
Un trip délicieux, interprété par un duo de charme qui a su camper de façon poignante les remous, les moments forts et les moindres coquetteries de ce texte précieux, dans un décor sobre, chargé d’émotion, qui emporta un public libanais averti dans l’Autriche des années 20, le troublant jusqu’aux os de cette passion dévorante.
Par Lina SINNO
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