Source : Le Figaro.fr - 23 mai 2011
La "Lettre d'une inconnue" de Stefan Zweig aux Mathurins
Des larmes coulent sur ses joues, ses mains balayent ses cheveux blonds relevés sur la nuque. Sarah Biasini pleure son enfant mort et l'amour qu'elle n'a jamais eu avec des mots simples et mélodieux. Délicatement éclairée par une orfèvre de la lumière, Marie-Hélène Pinon, la comédienne est l'héroïne de "Lettre d'une inconnue", de Stefan Zweig, au côté de Frédéric Andrau, fin et juste dans le rôle du séducteur inconscient. Pourtant rompu à l'exercice, Christophe Lidon ne signe pas ici sa meilleure mise en scène. Pour transposer le texte de l'écrivain autrichien sur la scène des Mathurins, à Paris, le metteur en scène a sollicité Michael Stamp, qui avait déjà revisité pour lui "La Serva Amorosa" de Goldoni. Ce n'était pas forcément une bonne idée.
Michael Stamp use d'un artifice qui perturbe le spectateur : il introduit un dialogue entre la femme éperdue d'amour et l'écrivain qui l'a toujours ignorée. Autant le film de Max Ophüls sorti en 1948, était justifié et emportait l'adhésion, autant le début de la pièce agace. On est malgré tout peu à peu saisi par l'émotion qui se dégage sur le plateau, grâce à Sarah Biasini. On finit par s'attacher à l'actrice dont l'image se confond avec celle de cette femme qui a consacré son existence à un homme superficiel. Visage sans fard, pieds nus, vêtue d'une nuisette noire - ce qui n'était pas nécessaire -, la fille de Romy Schneider prend à bras-le-corps ce rôle dense et exigeant.
Folle d'amour et de douleur, la belle «inconnue» ne peut quitter ce monde sans avouer ses sentiments à l'homme frivole. Sarah Biasini sauve la pièce de justesse. On sort de la salle ému comme d'un cimetière après un enterrement. Mais émerveillé par la qualité de l'interprète principale.
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