Source : Dimanche matin.com - 17 mai 2010
En 1944 en France, les Allemands refluent dans le désordre sous la pression des troupes alliées. À l’hôpital de Montauban, le chirurgien Julien Dandieu, bien qu’il affirme ne pas faire de politique, n’hésite pas à porter secours à des résistants blessés traqués par la Gestapo française.
Devant la proximité des combats et sa crainte des représailles, Julien décide d’éloigner rapidement son épouse Clara et sa fille de la ville. Un collègue de travail de Julien les conduit dans le vieux château familial, véritable forteresse médiévale qui surplombe toute une vallée. Cinq jours plus tard, Julien, qui ne peut supporter l’absence des siens, se rend auprès d’eux. Mais dans le hameau accolé au château, Julien découvre les cadavres massacrés de tous les habitants du village à l’intérieur de la chapelle.
Il gagne ensuite le château pour découvrir que des soldats allemands l’occupe, et il aperçoit également le cadavre de sa fille sauvagement abattue, de même que le corps de Clara entièrement calciné après avoir été violée. Ivre de douleur, Julien, armé du fusil de chasse de son père et se servant des passages secrets du château, exécute méthodiquement les soldats allemands dans le château un par un, sans montrer aucune pitié. Dans l’exercice de sa vengeance, Julien se remémore les plus beaux moments qu’il a vécus avec Clara, dont l’amour et la personnalité resteront pour lui un souvenir exceptionnel.
Sous ses fausses allures de film d’exploitation des années 70 du type Rape & Revenge situé en temps de guerre, ce long-métrage inspiré d’une histoire vraie se veut un habile dosage entre moments extrêmement violents et passages sincèrement émouvants, comme quoi la beauté peut très bien côtoyer l’horrible à l’écran sans que ce contraste nous apparaisse trop divergent.
L’équilibre de ce mélange est maintenu grâce entre autres à une bonne mise en situation pour illustrer la psychologie du personnage principal, chirurgien humaniste qui devient le porteur d’une vengeance implacable, de l’utilisation habile des flashbacks dans la narration et une mise en scène efficace.
Le réalisateur Robert Enrico a d’ailleurs démontré dans certains de ses précédents films ("L'aventurier", "Les grandes gueules") que des éléments de brutalité sordide et horrifiante peuvent très bien se jumeler à d’autres possédant une tendresse romantique sans jamais verser dans l’eau de rose, ni dans le sirupeux.
On est donc moins étonné de savoir que ce long-métrage d’un genre peu orthodoxe fût le premier long-métrage français à avoir remporté le César du meilleur film, bien que les séquences violentes n’aient visiblement pas souffert d’aucune censure ni retenue.
L’on n’oubliera pas de sitôt cette scène très éprouvante illustrant la mort horrible de Clara au lance-flammes, ni la très belle musique de François de Roubaix, compositeur autodidacte mort tragiquement peu de temps après la sortie du film alors qu’il n’avait que 28 ans.
Les interprétations convaincantes de Philippe Noiret et de Romy Schneider, qui ont su jouer sur une palette d’émotions très variées, demeurent mémorables. Bref, "Le vieux fusil" est un excellent film vraiment touchant et bouleversant.
Par Mathieu Lemée