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Source : Le Figaro.fr - 30 octobre 2009
Romy Schneider, la lumière et l'enfer
Elle n’aimait pas le mot «star»… Pourtant, vingt-sept ans après sa disparition, elle est devenue un mythe et la référence absolue des actrices. Quatre d’entre elles décryptent la légende Romy Schneider, au moment où L’Enfer, film inachevé de Clouzot, fait l’objet d’un documentaire.
par Sophie Grassain
En 1964, Romy Schneider croise le cinéaste Henri-Georges Clouzot, qui lui propose "L’Enfer", un drame névrotique sur la jalousie. Terrassé par un arrêt cardiaque, il ne terminera jamais le film. Serge Bromberg et Ruxandra Medrea font revivre ce tournage maudit grâce à L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot (voir la bande annonce à la fin de l’article), un documentaire balisé de témoignages et d’extraits où Bérénice Bejo et Jacques Gamblin lisent des scènes cruciales qui ne furent jamais filmées.
À l’époque, Clouzot y altère le son, y expérimente des images cinétiques et se noie dans sa quête esthétique. Pour lui, Romy est à la fois ange (l’épouse sage) et démon (dans les visions folles de son mari, Serge Reggiani, persuadé qu’elle le trompe). Mais surtout, elle accepte tout : faire du ski nautique pendant des jours, porter du rouge à lèvres bleu, se glisser nue sous un catafalque transparent.
Aujourd’hui, que reste-t-il d’elle ? Une plastique parfaite sanglée dans un maillot de bain noir (chez Deray). Des cheveux tirés en arrière qui lui donnaient le port de tête d’une écuyère (chez Sautet). Des personnages où les Françaises reconnaissaient des bribes de leur existence (Sautet, encore). Et cette façon de s’écorcher vive sur les arêtes de chaque rôle pour se dépasser (chez Zulawski). «Je n’ai peur de rien, sinon de moi-même », disait-elle.
Car elle souffrait. Elle souffrait de ce qu’elle croyait être ses limites. Mais aussi des abus d’une certaine presse avide d’intimité, qui n’hésita pas à la crucifier lorsque les choses de la vie (abus d’alcool et d’anxiolytiques, mort tragique de son fils David) la rattrapèrent. L’actrice s’est grandie devant nous. Elle s’est rebellée devant nous. Elle y a tout perdu. Elle y a tout gagné, et, d’abord, une part d’éternité.
Romy vu par...
ISABELLE CARRÉ
«Je l’ai découverte dans Une femme à sa fenêtre (de Granier-Deferre). J’ai tout de suite attrapé un stylo et noté ses répliques. Un geste irrationnel : je voulais garder une trace d’elle. Je l’ai revue dans L’Important, c’est d’aimer (de Zulawski) et… je me suis acheté tous ses films. César et Rosalie (de Sautet) me fascinait. J’ai appris la lettre de Rosalie à David et passé mes castings grâce à elle. C’était mon petit joker. Je la reprogramme encore sur mon iPod pour me donner de l’énergie. Romy Schneider est l’actrice à vif, l’actrice de l’émotion à fleur de peau. Personne ne s’est exposé autant qu’elle. Elle n’a pas voulu rester une petite Agnès de L’École des femmes que sa beauté enfermerait. Chaque soir, sur le tournage de La Mort en direct, elle glissait à Bertrand Tavernier des lettres sous sa porte. Ce fourmillement de mots, écrits dans tous les sens, disait sa fébrilité chargée de doutes, son enthousiasme et sa reconnaissance.»
SANDRINE KIBERLAIN
«Deux actrices me bouleversent : Ingrid Bergman, dont la froideur m’énervait, mais dont j’ai fini par devenir folle ; et Romy Schneider, qui ne mettait aucune distance entre sa douleur et celle de ses personnages. Elle me choquait presque par l’intensité de ce qu’elle montrait d’elle à l’écran, notamment dans L’Important, c’est d’aimer. Peut-être est-elle, d’ailleurs, morte de ça, elle qui a subi tant d’épreuves. Moi, je ne me réfère pas aux miennes. Je n’ai, par exemple, jamais pensé à la mort de mon père pour jouer un immense chagrin, car il me semble que je sortirais aussitôt du film et du rôle. J’adorais ses gestes. Sa manière de trimbaler une écharpe… Toute autre qu’elle se serait empêtrée. Cette vérité, sensible jusque dans sa façon de bouger. Et dans les films de Sautet, où elle personnifiait la femme libre. Romy Schneider remplissait l’image. Depuis, je cherche quelqu’un qui, comme elle, la remplisse.»
BÉRÉNICE BEJO
«Un matin, j’ai reçu une lettre : les réalisateurs de L’Enfer me proposaient de lire des séquences du scénario de Clouzot. J’ai tout de suite posé mes conditions : il n’y aurait aucune mise en scène, je tiendrais toujours le scénario en main et je ne jouerais pas. Il était hors de question que l’on me compare à Romy. Je ne voulais pas risquer que les spectateurs se demandent : mais comment ose-t-elle ? J’ai aussi travaillé ma voix pour la rendre le plus humble possible. Dans L’Enfer, Romy Schneider, 26 ans, était dans la vie. Elle faisait des grimaces lors des essais costumes (muets), et si on lit sur ses lèvres, on se rend compte qu’elle soupire parfois : “J’en ai marre.” Elle avait quelque chose d’incroyablement sexy. Regardez-la faire rebondir ce petit gadget en forme de spirale sur son corps nu. Si Romy m’inspire, c’est qu’elle incarne l’abandon. Elle se situe à la hauteur d’une Gena Rowlands.»
AUDREY DANA
«Elle avait un grand front, elle n’était pas la fille la mieux "gaulée" de la terre, mais sa beauté coupait le souffle. Son investissement et son énergie brute en faisaient surtout une actrice rare que je comparerais à Cate Blanchett. La vie tourmentée de Romy, qui a traversé l’impensable, entretenait une forte résonance avec ses personnages. Elle renvoie donc souvent un sentiment de mise en danger. Quand ma vie a basculé avec Roman de gare (de Lelouch), on m’interrogeait : "Que voudriez-vous faire désormais ?". Je répondais : "Tourner dans le biopic sur Romy Schneider". En 2008, j’ai obtenu le prix Romy-Schneider. Elle aimait les rôles qui n’étaient pas gagnés d’avance. Son exigence, qu’elle vivait comme une souffrance, me guide. C’est le carburant de ceux qui avancent.»
Romy en résonances
EMMANUELLE BÉART, L’HÉRITIÈRE : Claude Chabrol la choisit pour L’Enfer, inspiré du film inachevé d’Henri-Georges Clouzot ; Claude Sautet, pour Un cœur en hiver. Deux films hantés par Romy Schneider.
SARAH BIASINI, LA FILLE : elle l’est dans la vie. Sur scène dans la pièce "Pieds nus dans le parc", de Neil Simon, où, des pommettes (un peu plus prononcées) jusqu’à la bouche, elle ressuscite les traits de sa mère.
ROXANE MESQUIDA, LA PETITE SŒUR : Benoît Jacquot (L’École de la chair) et Catherine Breillat (À ma soeur) ont vu en elle la femme fatale derrière l’ingénue. Un parcours proche de celui de Romy.
GÉRALDINE PAILHAS, LA GRANDE SŒUR : François Ozon, qui adorait Romy, l’a dirigée dans 5 fois 2. Cheveux tirés, beauté pure, sans fard, la filiation est évidente.
LAURA SMET, LA PETITE COUSINE : un visage de fauve au repos et un rôle dans UV, de Gilles Paquet-Brenner, qui rappelle à la fois La Piscine, de Jacques Deray, et Plein Soleil, de René Clément.
Ca faisait un petit moment que je n'étais pas venue, mais je suis ravie par tous ces articles que tu as mis en ligne !!
Rédigé par : Fab35 | 06 novembre 2009 à 22h48
Merci de ton retour et pour tes commentaires.
A bientôt !
Rédigé par : Inoubliable Romy (The big chef d'ici...) | 07 novembre 2009 à 09h50