Source : Evene.fr - 1er juillet 2009
Plutôt que de diffuser une saga mièvre ou une émission de téléréalité poussive, cet été, France 2 fait du neuf en optant pour une série de fictions de 60 minutes, adaptées de la collection de romans "Suite noire". Chaque dimanche soir à 22h30, du 5 juillet au 30 août, France 2 se met à l'heure du noir, et chahute le ton classique de France Télévisions.
"Courts, percutants et novateurs." Voilà comment Paule Zajdermann, conseillère des programmes fiction chez France Télévisions, présente sa trouvaille, la série 'Suite noire', dont les huit premiers épisodes produits par Agora Films sont diffusés cet été. A l'origine, Suite noire est une collection de romans noirs lapidaires et incisifs, lancée à la rentrée 2006 par le créateur du Poulpe, Jean-Bernard Pouy. L'ambition ? Retrouver l'atmosphère de la Série noire d'antan avec des auteurs français, sur une pagination réduite (100 pages), et en respectant une certaine esthétique du livre, clin d'oeil à la prestigieuse collection de Gallimard. Trois ans plus tard, la série passe des rayonnages des librairies au petit écran. "Nous voulions changer la ligne éditoriale de la case polar sur France Télévisions pour aller vers le noir, raconte Paule Zajdermann. J'ai voulu casser les codes, faire une proposition différente avec tous les risques que cela suppose : je me suis dit qu'il y avait chez Suite noire matière à construire une collection de films de série B. L'antithèse d'une saga de l'été."
Parce qu'elle parvient à trouver sa voie sans imiter les séries américaines, mais en trouvant un ton marqué, loin des séries télé pour papa auxquelles la télévision française nous a habitués, loin des sempiternelles adaptations d'Agatha Christie, 'Suite noire' mérite le détour. La violence sèche, l'humour acerbe, la dimension sociale forte de certains épisodes (par exemple 'Quand la ville mord', odyssée sordide dans le milieu de la prostitution parisienne), tous ces ingrédients confèrent à la série un ton adulte, lucide et contemporain qui tranche avec les habituelles propositions de la fiction à la française, souvent timorée. Dans la forme comme dans le fond, 'Suite noire' dépoussière le genre. "Je ne parlerais pas de dépoussiérage mais de renouvellement des sujets, des héros et de la forme que nous avons souhaitée, en effet, plus moderne, précise Paule Zajdermann de France Télévisions. Le public s'est habitué aux audaces des séries américaines. Nous avons donc réfléchi à des idées nouvelles, plus audacieuses et même plus dérangeantes."
Très remarqué, le film d'Emmanuelle Bercot, "Tirez sur le caviste", porté par un Niels Arestrup génial en tueur rural impavide, joue sur l'amoralité de ses personnages, se risquant même à une scène d'amour lesbien explicite… ce qui lui vaut une interdiction aux moins de 16 ans. D'autres épisodes étant déconseillés aux moins de 12 ans, France 2 a donc préféré une diffusion en deuxième partie de soirée, au lieu du prime time initialement prévu. "Nous n'avons pas eu peur de la violence ou de la provocation. L'intention n'est pas de choquer : je comprends que l'on puisse être surpris par certaines scènes crues de 'Tirez sur le caviste', mais dans la mesure où ces scènes sont justifiées par le scénario et qu'elles ne sont pas gratuites, le spectateur n'est pas mis dans une position de voyeur."
Chaque film est présenté comme la rencontre d'un roman et d'un réalisateur, et la série joue à fond la carte du cinéma : des budgets élevés (1,5 million d'euros par épisode), un genre, la série B, habituellement réservée au 7e art, une réalisation soignée, et un casting très cinéphilique, où des réalisateurs proches de ce que l'on pourrait qualifier de "cinéma d'auteur" s'attaquent à un univers noir dont ils ne sont pas souvent familiers. Une distribution en DVD à partir du mois de septembre est même déjà prévue. Même si, du fait de l'éclectisme de la série, certains épisodes sont moins réussis que d'autres, la série se démarque par sa singularité et sa volonté d'innover, en s'appuyant sur les principales qualités du roman noir : l'humour, l'ancrage dans une réalité sociale forte, et, bien sûr, cette noirceur piquante. "Nous n'avons pas fixé d'objectifs d'audience, on fera le bilan à la fin de l'été, quand les huit films auront été diffusés", conclut Paule Zajdermann. Quatre autres adaptations sont déjà prêtes, leur mise en production dépendant, en principe, de l'audience des épisodes estivaux. A moins que les changements prévus à la direction de la fiction de France Télévisions n'entraînent un nouveau changement de cap. Ou un retour à la bonne vieille fiction à papa.
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