Source : PaperBlog - 13 avril 2009
De l’esprit avant toute chose…
Nous voici plongés au cœur du XVIIIème siècle et de ses salons littéraires. Dans un style parfait, où se mêlent humour et intelligence subtile, Jean-Claude Brisville nous entraîne dans l’univers riche des philosophes des Lumières. A travers les portraits de deux femmes, qui, malgré leur tendresse réciproque, se tiennent tête, moins pour défendre leurs convictions que pour briller au sein de la société des gens de lettres, il nous dévoile, en filigrane, ce que fut l’émergence des idées révolutionnaires de liberté et d’égalité. En fait, dans sa pièce, l’auteur nous offre à la fois un tableau vivant d’une époque révolue et l’image de deux êtres en quête d’identité et de reconnaissance quelque soit leur âge ou leur position : Julie de Lespinasse est jeune, ambitieuse et révoltée, Mme du Deffand, elle, est âgée, jalouse et désabusée. Toutes les deux sont en réalité à l’image des versants de la société : la tradition et l’âge mûr d’une part, la jeunesse et le mouvement d’autre part.
La rivalité de deux femmes, la rivalité de deux âges
Julie de Lespinasse, fille bâtarde d’un père qui a épousé sa sœur naturelle, confrontée dès ses premières années à une situation familiale difficile, qui lui vaut rapidement, après la mort prématurée de sa mère, de se retrouver gouvernante des enfants de sa sœur, qui sont aussi ses demi-frères et sœurs, échappe à cette condition qui lui pèse de plus en plus grâce à sa tante naturelle, Madame du Deffand qui, voyant sa vue décliner et souhaitant quelque compagnie, la prend sous son aile et l’emmène à Paris où elle tient salon depuis de nombreuses années. Bientôt, Julie séduit les assidus de ce salon, qui se pressent alors pour la rencontrer dans sa petite chambre, au-dessus du salon de sa tante, avant de redescendre à l’heure habituelle. Elle devient vite l’égérie des Encyclopédistes, en particulier celle de D’Alembert, géomètre, physicien au talent reconnu, bâtard comme elle, ce qui l’en rapproche, mais proche ami de Mme du Deffand, qui nourrit dès lors progressivement une violente jalousie envers sa jeune amie, qu’elle accuse d’ingratitude. Ne parvenant pas à se comprendre, les deux femmes se séparent.
Un bijou textuel
Interprétée avec brio par un trio d’acteurs exemplaires, la pièce apparaît comme un vrai moment de détente et de culture où l’esprit côtoie avec raffinement l’émotion vraie et la richesse des sentiments humains. Sarah Biasini est tout à fait juste dans son rôle, Jean-Claude Bouillon propose un président Henault extrêmement sympathique mais surtout Danièle Lebrun se distingue, absolument merveilleuse en femme de pouvoir élégante malgré son déclin. C’est avec une puissance extrêmement touchante qu’elle compose un personnage, profondément humain, terriblement seul, blessé dans son orgueil, toujours prêt pour se défendre à la moindre attaque. Servie par une mise en scène sobre, sans artifice où le décor et les costumes sont très XVIIIème, cette grande actrice illumine le spectacle qui prend toute son ampleur du fait de sa présence gracieuse.
INFORMATIONS & DETAILS
L’Antichambre De Jean-Claude Brisville
Mise en scène de Christophe Lidon
Avec Sarah Biasini, Jean-Claude Bouillon, Danièle Lebrun.
Du 07 avril au 03 mai - Du mardi au samedi à 21H. Matinées samedi à 18h30 et dimanche à 15h30.
Au théâtre de l’œuvre 55, rue de Clichy - 75009 Paris
Réservations: 01 44 53 88 88
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