Source : Le Monde.fr - 13 janvier 2009
A la sortie d'un tunnel, un homme âgé se tient debout sur la voie ferrée, son chien dans les bras, attendant l'irruption du train qui le fauchera. On retrouvera le dénouement de cette séquence à la fin du film, au terme d'un long retour en arrière qui en suspend le cours. Le personnage, interprété par Jean-Paul Belmondo, se nomme Charles. C'est un homme élégant, qui vit en compagnie de Jeanne, une veuve plus jeune que lui, qui l'a pris comme amant à la mort de son mari. Aujourd'hui, alors qu'elle va se remarier, Charles est devenu un poids inutile. Elle le lui signifie sans autre façon, et le met à la porte. Affaibli par son grand âge, privé de ressources, Charles se retrouve du jour au lendemain à la rue, sans autre affection que celle de son chien et de la jeune domestique de la maison, Leïla (Hafsia Herzi), enceinte d'un homme qui ne veut plus d'elle.
Telle est la trame du second film de Francis Huster comme réalisateur (après On a volé Charlie Spencer ! en 1986), qui rappellera quelque chose aux cinéphiles puisqu'il s'agit du remake d'une oeuvre maîtresse du néoréalisme italien, "Umberto D", réalisé en 1952 par Vittorio De Sica. Cet hommage pour le moins risqué à une oeuvre-phare du cinéma mondial donne deux fortes raisons pour ne pas être pris à la légère. La première est la gravité et la rareté de son propos, qui touche à la question du sort dévolu aux personnes âgées et aux laissés-pour-compte. La seconde tient à son interprète principal, Jean-Paul Belmondo, qui revient avec ce film à son métier, six ans après qu'un accident vasculaire cérébral l'eut fait disparaître de la scène.
Surenchère mélodramatique
Le film acquiert ainsi la dimension d'un geste généreux et culotté, qui dénonce l'indignité à laquelle sont réduits tous ceux qui, pour un problème d'image, sont soudain mis hors circuit de la société. Ce geste, en dépit du capital de sympathie qu'il suscite, n'est hélas pas porté par le véhicule qui convient. La peine visiblement éprouvée par l'acteur dans les dialogues, la surenchère mélodramatique du scénario et la théâtralité de la mise en scène renchérissent cruellement le drame que ce film voulait précisément sublimer. Il est évidemment trop facile, à la place qui est la nôtre, de dire ce qu'il aurait convenu de faire.
Reste qu'on a souvent songé qu'une comédie féroce, plutôt qu'un drame pathétique, aurait conféré à la tenue du film et à son interprète principal une plus éclatante revanche sur la dictature des apparences contre laquelle ce film se bat.
Jacques Mandelbaum
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