Source : L'Express - 26 janvier 2009
Il ne faudrait pas l'ébruiter, d'autant que ma femme a des oreilles, mais je suis souvent tombé amoureux des actrices. Gene Tierney et Ava Gardner, alors que j'abordais ma phase acnéique, Michelle Pfeiffer, lorsque j'étais en pleine montée de sève ; aujourd'hui, j'ai un faible pour Uma Thurman, qui ne le sait toujours pas, tant pis pour elle - je ne cite que des Américaines, pour ne pas rendre jalouses les Françaises.
C'est ainsi que fonctionne le cinéma, qui alimente ce rapport particulier entre le spectateur et l'acteur - terme asexué, ici - où se mêlent séduction, pulsion, empathie, identification. Toutes choses troublantes, parfois assaisonnées d'un peu de rationalité, mais qui, au final, nourrit l'imaginaire que chacun investit dans un film. A cela il faut ajouter le rapport de proximité que l'on entretient avec l'acteur. Dans son essai Les Stars, publié en 1957, Edgar Morin écrivait, en substance, que le statut de star de Grace Kelly s'était largement ébréché le jour où parut, dans Paris Match, une photo la montrant en train de préparer des spaghettis à la bolognaise. Ainsi cette proximité, entretenue par la télé, la presse et la pipolisation parfois outrancière, redessine-t-elle le lien entre le comédien et le public.
C'est ce lien que filme Maïwenn dans son très pertinent et très amusant "Bal des actrices". La jeune cinéaste se met elle-même en scène, alors qu'elle réalise un documentaire auquel participent, notamment, Karin Viard, Muriel Robin, Julie Depardieu ou Marina Foïs. Intelligemment, Maïwenn s'est engouffrée dans cet espace mouvant qui existe entre les désirs de l'actrice et l'image qu'elle s'est forgée, parfois à son corps défendant - intello, has been, capricieuse... Un faux film et un vrai documentaire, ou le contraire, de la fiction minée par le réel, de la réalité empoisonnée par du cinéma, il y a tout cela dans Le Bal des actrices. Et plus encore : du plaisir.
Le cinéma d'Eric Libiot
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