Source : DVDrama - 19 décembre 2008
2008 restera l'année où le cinéma français voit deux de ses anciens monstres sacrés faire leur grand come-back, suite à de longues années d'absence. Après Alain Delon, c'est donc au tour de Jean-Paul Belmondo de répliquer et de nous offrir une nouvelle «cascade». Ne vous attendez pas à le voir suspendu à un hélicoptère, mais plutôt à (re)découvrir l'humour et surtout la fragilité cachée de cet acteur merveilleux, toujours animé de cette même passion qui fit autrefois son succès. Avouons-le : ce grand Monsieur nous avait terriblement manqué.
"Un homme et son chien" raconte l'histoire de Charles, un vieil homme hébergé par une séduisante veuve. Lorsqu'elle lui annonce son remariage, elle n'a d'autre choix que de le mettre à la porte. Charles se retrouve alors seul, avec son chien. Et si Leïla, la jeune employée de maison, continue de le soutenir moralement, elle ne peut malheureusement lui offrir beaucoup plus. Charles doit alors affronter la rue et surmonter le rejet des passants mais également de ses anciens amis...
Francis Huster est un excellent comédien, que ce soit au théâtre ou au cinéma. En revanche, ses talents de metteur en scène restent encore flous. "Un homme et son chien" constitue pourtant son deuxième long métrage, après avoir signé en 1986 une oeuvre intitulée On a volé Charlie Spencer. Sa nouvelle réalisation s'inspire d'un long métrage italien, "Umberto D", de Vittorio De Sica. D'une durée quasi identique, la version d'Huster souffre néanmoins de longueurs, en raison de plans souvent interminables et dans lesquels Jean-Paul Belmondo ne se trouve même pas. Un sentiment de frustration nous gagne alors, celui de ne pas voir suffisamment l'acteur pour lequel nous nous sommes déplacés. En outre, l'histoire du film, à l'origine belle et triste, semble être ici étirée au maximum, tout en manquant de péripéties aussi bien primaires que secondaires. Le long métrage se transforme alors rapidement en une succession de séquences inégales, parfois drôles ou tendres, mais qui ne vont jamais au bout de l'émotion voulue.
Seul le final réussit à atteindre un seuil dramatique inattendu et d'une force impressionnante. Nous nous demandons alors pourquoi le reste n'a pas été traité avec tant d'ardeur, malgré un potentiel bel et bien présent. De la même façon, certains plans se révèlent d'une grande beauté, et d'autres, à contrario, particulièrement banals. Le cinéaste oscille alors entre différents genres et différents styles sans réellement choisir de direction précise. En somme, il accouche d'un film certes imparfait, mais néanmoins très correct, globalement de qualité supérieure par rapport à d'autres productions actuelles. Il serait donc injuste de bouder notre plaisir, d'autant que l'intérêt principal de ce long métrage ne se situe pas dans la mise en scène.
"Un homme et son chien" démontre avant tout la richesse de notre patrimoine culturel et met à l'honneur quelques uns de nos plus grands comédiens. Nous pourrions écrire des pages et des pages sur Jean-Paul Belmondo mais ces lignes ne réussiront jamais à résumer l'ensemble de son incommensurable talent. Peu importe son âge ou ses problèmes de santé. L'homme détient une carrière magnifique et ce nouveau film ne gâche en rien l'image que nous pouvions avoir de lui. Au contraire, il vient ajouter une nouvelle facette jusqu'ici inconnue du personnage, ou si peu. Claude Lelouch, et dans une moindre mesure Georges Lautner, avaient déjà commencé à exploiter son potentiel d'acteur dramatique, mais ici, Francis Huster le met littéralement «à nu».
En ce sens, Belmondo obtient une justesse et une émotion dans le jeu rarement égalées. Il s'impose tout au long du film grâce à un charisme aujourd'hui légendaire, à travers sa voix, son sourire, ou même un simple regard. Certaines de ses expressions ne sont d'ailleurs pas sans rappeler celles du comédien Michel Simon, l'une de ses références qu'il se plaît parfois à imiter en dehors des plateaux pour amuser les copains. Ceux-ci ont d'ailleurs tenu à rendre hommage à leur pote «Bébel» en acceptant de lui donner la réplique le temps d'une scène ou deux. Les plus cinéphiles d'entre vous reconnaîtront alors Charles Gérard (présent dans la plupart des films de Jean-Paul), ou bien encore François Perrot, sans oublier Robert Hossein, Jean-Marc Thibault et Pierre Mondy. Parallèlement, de nombreux inconditionnels, appartenant à une génération plus jeune, font également acte de présence, à l'image de Jean Dujardin (ou Duduj', pour les intimes), Jean-Luc Lemoine, Antoine Duléry, José Garcia et même Patrick Bosso ! C'est ce que l'on appelle un casting éclectique, auquel nous pourrions néanmoins reprocher une trop grande constitution. En effet, quelques rôles semblent avoir été écrits uniquement pour faire plaisir aux comédiens, sans se soucier de la cohérence et de la justification par rapport au scénario. Le talent ne suffit pas toujours, et la gratuité de certaines apparitions (Garcia, Michèle Bernier...) risque d'en agacer plus d'un. La seule présence de Belmondo aurait d'ailleurs suffi à notre bon plaisir.
Finalement, l'attente était de taille. Le résultat est-il à la hauteur ? Pour les inconditionnels de Jean-Paul Belmondo, sans aucun doute, ce qui est le cas de l'auteur de ces lignes. Les autres risquent en revanche de trouver le temps un peu long, à moins d'apprécier les grandes performances d'acteurs. Ceci étant dit, Francis Huster réussit un coup médiatique formidable, en ramenant "L'as des as" de notre enfance sur le devant de la scène. Nous aurions peut-être préféré une oeuvre originale, encore plus creusée, mais l'évènement reste tout de même de taille. La qualité est belle et bien présente, malgré quelques imperfections ici ou là. "Un homme et son chien" s'annonce donc d'ores et déjà comme l'un des films français incontournables en ce début d'année 2009.
Gilles Botineau
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