Source : NouvelObs.com - 22 septembre 2005
Longtemps, Sarah Biasini a eu peur d'être actrice, ç'aurait été dommage de la voir renoncer. La voilà jeune mariée bohème dans «Pieds nus dans le parc», une comédie de Neil Simon au Théâtre Marigny. La fille de Romy Schneider parle pour elle-même, pour son bonheur et le nôtre.
Le Nouvel Observateur : Ça fait plaisir de voir quelqu'un d'heureux !
Sarah Biasini : Je vis exactement ce que je devais vivre. Dans le temps, j'ai été étudiante en histoire de l'art, je faisais des stages dans des salles des ventes ou des musées. J'aimais cela. Mais je ne voyais pas ma vie se dérouler ainsi. J'ai travaillé près des Champs-Elysées. J'achetais mes cigarettes dans un tabac voisin. Aujourd'hui, je passe tous les jours devant ce même tabac, mais pour aller au Théâtre Marigny, faire mon travail de comédienne ! Voilà. J'y suis. C'est extraordinaire.
Le Nouvel Observateur : A 28 ans, vous êtes une actrice toute neuve.
Sarah Biasini : La nouveauté, ça finira par passer. Je ne suis devenue formellement comédienne que depuis un an et demi environ. Mais, pendant des années, j'avais ça en moi en refusant de l'admettre. J'ai lutté depuis mon adolescence contre cette envie d'être actrice. Je ne voulais pas mettre le pied là-dedans, me risquer à prendre des cours. Dix ans de déni, ça marque ! Je me souviens du jour où j'ai décidé que ce serait le théâtre. Je parlais au téléphone avec mon père, je lui confiais ma déprime. «Laisse-toi rêver», me dit-il. «Mais si je me laisse aller, je sais où je vais basculer.» J'ai basculé. Je suis partie aux Etats-Unis suivre des cours à l'Institut Lee Strasberg. J'avais 24 ans. Je suis revenue à 26 ans.
Le Nouvel Observateur : Pourquoi l'Amérique ?
Sarah Biasini : Les Français me faisaient peur. Je me disais qu'ils seraient méchants avec moi. Je m'imaginais dans un cours, sous le regard des autres qui ne me pardonneraient pas d'être qui j'étais, qui ricaneraient en me comparant à ma mère... Je voulais pouvoir me tromper, me planter en répétant une scène, sans être aussitôt jugée. A Los Angeles, c'était plus simple. Je pouvais dire que ma mère était actrice. Tout était accepté. Je n'étais même pas la plus jeune du cours. Le matin, j'étais quand même malade avant d'aller jouer ma scène. Les enseignants parlaient de la méthode Strasberg comme on évoque les Saintes Ecritures. On ne jouait pas avant d'avoir fait une heure de relaxation.
Le Nouvel Observateur : Finalement, les Français sont gentils avec vous ?
Sarah Biasini : Absolument ! La peur, c'était un moment. Aujourd'hui, je suis une comédienne parmi les autres. Ravie d'avoir vécu avant, mais consciente d'avoir des choses à rattraper. Les gens de mon âge baignent dans le milieu des acteurs depuis dix ans, moi, j'apprends les mots de passe, les habitudes. J'ai plein de choses à vivre. Jouer cette pièce, c'est comme trouver une famille. Du pur bonheur, parce que la comédie est une mécanique euphorisante. Les autres acteurs, ce sont mes frangins. Après la représentation, on n'a pas envie de se quitter. On parle encore, on va manger, on regarde ce qui a marché. Avec Olivier Sitruk, mon mari sur scène, on débriefe notre grande scène de dispute !
Le Nouvel Observateur : Même la bizute donne son avis sur les autres ?
Sarah Biasini : J'écoute, mais on parle tous ! On a tous une pièce à défendre. Moi, je veux la porter, cette jeune femme mariée à un avocat coincé. Mais à l'arrivée, on s'en remet au metteur en scène. C'est lui qui nous a choisis. L'autre jour, je suis sortie de scène enchantée de moi-même. J'étais bien, détendue, je trouvais que mon texte avait coulé sans effort. Steve Suissa m'attendait, il m'a dit: «Tu es mollassonne aujourd'hui.» J'étais tellement cool que j'avais fondu !
Claude Askolovitch
Le Nouvel Observateur
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