Source : Café mode - 28 mai 2008
Hormis Gabrielle Chanel elle-même (et encore), je suis convaincue que personne n'a jamais aussi bien porté un tailleur Chanel que Romy Schneider dans Le Travail, volet viscontien du film à sketches "Boccace 70". Personne n'a pu le faire vivre avec autant de naturel, de grâce et de sensualité. Regarder ce film, c'est se contenter d'admirer Romy en train de sourire, de se brosser les cheveux, de se déshabiller. Peu d'actrices me font autant d'effet. Le film dure moins d'une heure et Romy n'y arbore pas plus de trois tenues, mais c'est amplement suffisant pour se faire un puissant shoot d'élégance et se rêver quelques instants en grande bourgeoise 60s.
Mais replaçons les choses dans leur contexte. "Boccace 70" est un film découpé en trois contes, réalisés par trois réalisateurs majeurs (Federico Fellini, Luchino Visconti et Vittorio de Sica) et interprétés par trois actrices d'exception (Anita Ekberg, Romy Schneider et Sophia Loren). Très librement inspiré du Décaméron, le recueil de nouvelles de Boccace, l'écrivain de la Renaissance fondateur de la littérature en prose italienne, le film se veut une satire de la société italienne de l'époque, étouffante de conservatisme. Les trois réalisateurs estimaient d'ailleurs leurs propos si osés qu'ils étaient convaincus qu'ils seraient censurés au moins jusqu'aux années 70, d'où le titre.
Dans "Le Travail" de Visconti, Romy Schneider campe une jeune aristo désoeuvrée dans son luxueux palais milanais. La découverte des frasques de son mari auprès de call girls lui donne envie de travailler, mais après avoir passé en revue tous les métiers possibles, elle se rend compte que le plus facile pour elle reste encore de se faire payer par son mari quand il lui fait l'amour. Grinçante à souhait, l'histoire est un huis clos porté par le jeu des acteurs. Romy, tout juste échappée de la mièvrerie des Sissi, incarne avec beaucoup de justesse la femme gâtée et insouciante soudain piégée par la vacuité de son existence.