Source : Ma Ville.com - 19 juillet 2008
Après le Tour du monde en 80 jours, les Nuits Auréliennes ont proposé avant-hier soir « une autre vision du monde » comme l'a présenté Françoise Cauwel, adjointe à la culture, en rendant un hommage appuyé à toute l'équipe oeuvrant à ses côtés. Elle a ensuite salué la performance de Sarah Biasini, qui allait entrer en scène après avoir joué à 15 heures au festival d'Avignon.
La pièce écrite par Jean-Claude Brisville a tenu toutes ses promesses avec un trio de comédiens épatants.
Un texte ciselé avec des réparties très fines pour une joute oratoire au siècle des Lumières, entre deux femmes de caractère : la Marquise du Deffand règne en maître sur son salon où le tout-Paris intellectuel se presse, et sa nièce, Julie de Lespinasse, issue d'une union illégitime, qu'elle prend sous son aile pour lui servir de lectrice.
Le goût du pouvoir contre celui des idées
La première, féministe avant l'heure, athée assumée, ne s'encombre pas de bons sentiments. Ses affirmations tombent comme un couperet : « Je me suis ennuyée loin de vous, pas de vous » dit-elle à son vieil ami le président Hénault (Roger Dumas, parfait). Son goût du pouvoir n'a d'égal que son conservatisme : « Je reçois les philosophes pour leur intelligence. L'intelligence est le dernier trait dont on se lasse... chez un homme. Méfiez-vous de la philosophie ». Un rôle sur mesure pour Danièle Lebrun, qui lui donne l'envergure et l'assurance des gens bien nés, leur certitude hautaine.
La seconde en quête d'affection, se révèle aussi large d'idées que généreuse de coeur. Elle partage les causes défendues par Voltaire, s'enflamme pour l'Encyclopédie de Diderot. Julie Biasini, avec une aisance qui semble naturelle, la rend successivement fragile, touchante, puis engagée et combative.
Le déclin de l'une, l'ascension de l'autre
Les petits changements dans leurs costumes respectifs, dans les couleurs et les étoffes, les variations de l'éclairage soulignent parfaitement le déclin de l'une et l'ascension de l'autre.
Mme du Deffand ne trouve qu'un plaisir à la vie, briller en société. Mlle de Lespinasse, solaire, lui fait tant d'ombre qu'elle finit par l'éteindre. Dans ce duel féminin, sa jeunesse et son intelligence, son idéalisme, auront raison des forces déclinantes d'une tante devenue aveugle, aigrie par l'égoïsme, certes courageuse mais, à la fin, pathétique. L'élève a dépassé le maître.
Véronique Georges - Var-Matin
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