Source : La Dépêche.fr - 12 juillet 2008
Hier soir. On donnait «L'Antichambre» dans la cour du château comtal, un «match» de femme à femme au siècle des Lumières.
Portée par trois comédiens appréciables dans un décor minimal, «l'Antichambre», de Jean-Claude Brisville avec Danièle Lebrun, Roger Dumas et Sarah Biasini, a connu hier soir dans la cour du château comtal un beau succès. Sonorisée et en butte aux éternels problèmes de sonorisation que posent les spectacles en plein air, le souffle du vent dans les micros en particulier, la pièce était malheureusement peu audible des derniers rangs à son commencement, défaut qui est allé en s'estompant. Mais là n'est pas l'essentiel. Car son propos, la construction dramatique, le suspense avec lequel il est rendu sont proprement captivants. C'est d'ailleurs un prodige d'écriture et de mise en scène que de faire tenir en une heure trente l'histoire de cette jeune femme batarde et sans dotte, qui trouve protection auprès d'une tante à la fois seule et entourée des esprits les plus éclairés du siècle des Lumières. L'une, enthousiaste et exaltée, a l'appétit de vivre de la jeunesse. L'autre perd la vue, s'ennuie, et comprend que son temps a passé. Dans l'antichambre du salon de la marquise du Deffand (Danièle Lebrun), Julie de Lespinasse (Sarah Biasini) se découvre une autre vie, et un destin. Une rivalité va naître entre les deux femmes, qui s'estiment et s'aiment pourtant, mais que les aspirations séparent. Arbitre de cette confrontation et ami de la marquise, le président Hénault (Roger Dumas), en bon politique, aura tôt fait de pencher vers la jeunesse triomphante...
Le fond de la pièce est étonnamment actuel: sorte de «girl power» du XVIIIe, le pouvoir est ici dans les salons, et il revient aux femmes. «La cour n'est plus qu'un soleil mort», dit la marquise, et Turgot, un politique tenant du libéralisme économique, se figure «faire payer l'impôt par tous et libérer les colonies»... La rivalité tourne au débat idéologique, entre monarchie et encyclopédistes, et dans un va-et-vient régulier entre l'antichambre et le salon, dont on ne voit rien mais dont on sait tout de ce qu'il s'y dit, on croise Voltaire, Diderot (un débraillé!), Malesherbes... On notera la qualité des costumes et le brio des comédiens, avec une mention spéciale pour Sarah Biasini et Danièle Lebrun.
Pascal Charras
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