"Boccace 70", un libertinage morose
C'était cette nuit, à Cannes, la répétition générale du Festival : la soirée d'ouverture qui tend, d'année en année, à ne plus devenir qu'une simple formalité.
Palables d'officiels, présentation de vedettes, poignées de main et coups de chapeau. Autant en emporte le mistral ! Et puis un film. Choisi généralement pour ses qualités spectaculaires.
Un avatar
Générique abondamment pourvu en vedette. Metteur en scène illustre exécutant sur commande ce qu'il y a de plus détestable au cinéma : un film à sketches.
Donc, nous eûmes droit à "Boccace 70", que j'avais eu l'infortune de voir à Milan lors de sa première mondiale. Le type même du film coûteux et inutile. Mais enfin, ce Boccace-là, qui n'a rien à voir avec le décameron, était présenté hors compétition. Montrons-nous pour une fois indusgents.
Entre Milan et Cannes, "Boccace 70" a connu un déplorable avatar : le film, qui durait près de quatre heures, a été amputé de quarante minutes de projection. L'un des quatre sketches a disparu en chemin : celui de Monicelli. Je l'ai vu. Je vous jure que le public cannois n'a rien perdu !
Cette amputation devait provoquer néanmoins une manière d'incident. Et celui-ci ayant été commis par le metteur en scène du "Pigeon" - c'est Monicelli que je veux dire - la projection du film demeura longtemps incertaine. Mais force ne resta point à la loi. Nous vîmes "Boccace 70à mutilé.
Pour quoi ce titre ? J'aurais beaucoup de mal à l'expliquer. Il s'agit, en fait, de trois histoires imagniées par Zavatini, le"papa gâteau" du néo-réalisme, produites par Carlo Ponti, mises en scène par Fellini, de Sica, Visconti et qui n'ont en commun qu'une sorte de libertinage morose.
Le pensum
Chacun de ces trois sketches souffre d'un grave défaut : l'enthousiasme est bsent. Cela sent le pensum, le devoir de vacances. De Sica, visconti, Fellini ont expédié leur besogne avec le maximum de conscience professionnelle, mais sans y croire.
On les comprend. Les sujets qui leur on été proposés se signaient avant tout par leur insigne platitude. Sans compter les maladresses de construction.
Federico Fellini, avec le concours de Peppini de Filippo et Anita Ekberg, a mis en scène un Tartuffe moderne, revu par Freud et corrigé par un décorateur du Harper's Bazar. Un début foudroyant et puis le sketch s'enlise. On en retiendra un emploi ingénieux de la couleur et une musique très amusante.
A la loterie
Vittorio de Sica, pour sa part a composé à gros traits une farce villageoise d'une légèreté toute germanique. Une belle foraine, Sophia Loren, est mise en loterie par des marchands de bestiaux. Et c'est le sacristain qui gagne le gros lot.
Luchino Visconti, enfin, a délayé en d'épuisants bavardages l'aventure d'un grand comte milanais impliqué dans une affaire de call-girls et qui voudrait bien se rabibocher avec sa ravissante épouse. Mais celle-ci exige d'être traitée comme une beauté professionnelle. Sujet plus pénible que choquant, qe sauve Romy Schneider, décidément très en progrès.
Michel AUBRIANT
Commentaires