"Boccace 70" : énorme, pervers et gourmand
Trois des plus grands cinéastes italiens : Fellini, Visconti, de Sica ont composé ce triptyque qui ne doit être à Boccace que l'emprun à on nom. Le générique nous apprend qu'il va s'agir d'un divertissement, le spectacle nous enseigne qu'il est fait, en réalité, d'une farce, d'un sketch, d'une nouvelle. Les uns ambitieux, et l'autre coloré. Plusieurs options sont possibles au sujet de cette oeuvre. Mais l'attitude suggestive est à rejeter, car il faut voir en face ce qu'ont voulu les auteurs, ce qu'ils ont dit et tenté de montrer avec "La tentation", "Le travail" et "La loterie".
Il serait trop facile, au nom d'un àpriorisme moral, de rejeter en bloc tout ce qui est fait ici, et maladroit de ne pas deviner le fil invisible qui relie l'une à l'autre ces trois fables de l'Italie moderne.
Pour Fellini et de Sica, le but est à peu près semblable. Il s'agit pour eux de renverser les tabous, de braver la censure vaticane et, à la faveur de récits, l'un "énorme", l'autre paillard, de bousculer les bonnes moeurs cléricales et leur hypocrisie.
Le cas de Visconti est différent. Lui, vise plus haut et plus profond. Son opération, car il y a beaucoup de chirurgie mentale dans cet ouvrage, appartient à la psychologie pure et c'est plus un essai qu'une histoire que "Le travail". Il est évident que la cruauté de cette intrigue a un caractère odieux et que ce thème peut irriter les spectateurs et les conduire à considérer inutile une semblable démonstration, mais on ne pet nier que, du point de vue formel, Visconti retrouvant le raffinement de "Senso", fasse ici oeuvre d'art. Le reste de cette chronique de l'Aristocratie dépravée ressortit davantage du roman que du cinéma et le cas clinique exposé à une façon de psychanalyse. On peut détester cette séquence, l'éprouver nauséabonde. Mais on peut la juger plus simplement, comme un travail d'esthète un peu pervers...
L'énorme de ce film est sans aucun doute la séquence de Fellini, où le "brigadier des bonnes moeurs" admirablement campé par Felippo, devient fou face à la gigantesque image d'Anita Ekberg. C'est gros, c'est terrible, c'est excessif à peine, mais non pas irréel. La part de de Sica est plus simple. On est ici entre Clochemerle et Maupassant. On est surtout en présence de Sophia Loren qui fait oublier bien des lourdeurs.
Georges LEON
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